Elsa Ponzo, talentueuse falaisiste française, membre du groupe Excellence de la FFCAM, est actuellement en pleine bourre en falaise ! En novembre dernier, Elsa réalisait à Citdibi en Turquie son premier 8c, et maintenant, c’est « La Rubia » (8c+), célèbre king line de Villanueva del Rosario en Andalousie qui tombe dans sa besace, après pas moins de 2 mois sur place ! Une fulgurante progression ! On fait le point avec elle, notamment sur le fait de projeter des voies plus dures.
– Peux-tu rapidement te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ?
Elsa Ponzo, j’ai 28 ans. Originaire de région parisienne, je grimpe depuis mes 9 ans, j’ai commencé par faire des compétitions jusqu’au niveau international et puis j’ai bifurqué sur de l’escalade en extérieur. J’ai eu l’occasion d’intégrer des groupes fédéraux qui m’ont permis de faire la transition. Aujourd’hui, je suis partenaire technique chez Simond et travaille en tant que monitrice d’escalade sur un rythme saisonnier, ce qui me permet d’avoir du temps libre et de le consacrer en partie à l’escalade.
– En novembre dernier, tu réalisais ton premier 8c en Turquie, là c’est « La Rubia » que tu empoches ! Comment expliques-tu ce déclic, cette progression ?
Depuis plusieurs années, je me suis vraiment tournée vers les grandes-voies et le trad. Alors c’est vrai que s’il y a un choix entre aller faire une grande-voie ou aller faire de la couenne… aucun doute j’irai faire une grande-voie, surtout pour l’aventure et le moment que tu partages avec autrui et la chance de te retrouver dans des endroits privilégiés. Rencontrer des personnes avec qui tu t’entends bien et avec qui tu puisses réaliser tes projets, ça n’arrive pas tous les jours. L’année dernière, j’ai fait un voyage de plusieurs mois en Amérique du Sud où j’ai eu l’occasion de grimper en partie avec Caro (ndlr : Caroline Minvielle) et cette rencontre m’a bien fait évoluer, on a partagé nos univers et nos projets. On s’est rendues compte qu’on avait plein d’envies communes et c’est donc parti depuis cet instant sur pleins de projets divers et variés. On se retrouve, après s’être mises de bonnes missions en grandes-voies au printemps et à l’automne, à vouloir un peu de tranquillité et on s’est retrouvées dans des lieux emblématiques de l’escalade sur colonnettes : Citdibi en Turquie et Villanueva del Rosario en Espagne. Sachant qu’on y restait un petit bout de temps, les copains m’ont bien motivée à essayer des choses plus dures, moi qui me contente souvent des beaux combats à vue et qui me disperse pour toujours pouvoir savourer un site. Je me suis donc lancée dans des voies dans lesquelles je ne serais jamais allée tant par l’investissement potentiel que par le côté intimidant (même si ça donnait envie) mais sachant que les copains(-ines) étaient dedans, la motivation et l’émulation étaient au plus haut. C’est pourquoi j’ai aussi bien réussi à m’exprimer, un vrai jeu où tu essaies vraiment d’être là pour l’autre et inversement, un peu comme le lien que tu peux retrouver en grande-voie.
– Tu as confié avoir travaillé « La Rubia » ces deux derniers mois, comment s’est passé le processus, les différentes étapes ?
Pour commencer, quand je suis arrivée au pied de la falaise, j’ai été directement attirée par la ligne de la « Rubia », elle m’a fait de l’œil, un coup de cœur, un peu comme un coup de foudre, ça te saisit et tu restes éblouie. Si l’envie est là, pour moi tout est possible. La découverte avec Céline et Caro fut mémorable. On a mis deux jours pour arriver au relais, les pas sont obligatoires quand il n’y a pas de chasse d’eau et que tu choisis de ne pas prendre de canne à pêche, parce que c’était la règle qu’on s’était imposées, par naïveté sûrement. Après ces deux jours nous étions cuites et en même temps conquises par ces mouvements ! Il a fallu trouver des stratégies pour caler le haut sans être trop fatiguées. La patience du travail et du décorticage. Après les fêtes, j’y suis retournée avec d’autres copains et l’émulation était de nouveau là, il fallait seulement se remettre de la fatigue des mois précédents et accepter les journées parfois un peu trop froides. J’ai continué à peaufiner les méthodes puis j’ai juste eu envie de mettre des essais à fond mais ça ne marchait pas. La saturation. J’ai décidé de caler d’autres projets, de me changer les idées, de faire de la visite touristique dans d’autres voies comme j’avais l’habitude de faire auparavant. Et puis il y eu le jour où je n’ai pas fait comme ce que j’avais imaginé, la voie était occupée par les copains alors je me suis échauffée dans d’autres voies puis un créneau dans la « Rubia » s’est présenté. Je n’avais aucune attente car je ne pensais même pas y aller ce jour-là. Et c’est finalement sans attente que je la réussis à ce moment-là. J’ai dû mettre 36 essais, ça paraît beaucoup mais j’avoue que je n’ai fait le compte qu’après. En moyenne deux par jour, et encore, je ne suis allée que 4 fois au relais donc j’ai dû faire 18 séances. J’avoue que j’ai commencé par caler sur environ 6 séances et après je n’ai fait que mettre des essais. J’ai été absorbée par la voie dans le sens où j’étais heureuse d’y aller à chaque fois, même si j’ai eu un moment où je tombais tout le temps au même endroit. Juste le fait de faire les mouvements me rendait heureuse.
– Peux tu décrire brièvement les principales difficultés, mais aussi ce qui en fait pour toi un joyau, et une voie que tu as eu envie de projeter ?
Les principales difficultés étaient de trouver une méthode pour le crux « clef » de la voie. Au début, je n’arrivais pas à le faire du tout puis j’ai commencé à l’apprivoiser mais je ne le réussissais jamais pareil. Le choix de la méthode à été dur car venant du bas, je n’arrivais jamais à le faire. Il était aussi question de choisir quand clipper. Bref, il fallait entrer dans les détails pour pouvoir concrétiser. C’est une voie qui m’a donné envie de me projeter simplement par un mélange d’esthétisme (belle à vue d’œil), de qualité de rocher, de forme (colonnettes magnifiquement sculptées), un effort tellement long et un contraste entre des pas de blocs et des repos (pour ma part). La façon de l’aborder m’a aussi énormément excitée.
– Tu insistes sur tes combats dans les voies dans tes publications. Comment arrives-tu à créer les conditions pour dépasser/surpasser tes barrières mentales et physiques pour réaliser une croix ?
Tout d’abord, je pense que j’ai toujours grimpé pour moi et avec plaisir. Pour ma recette, elle consiste à trouver une voie qui m’excite (par sa gestuelle entre autres) et trouver les copains avec qui j’ai envie de partager un moment de vie. Et comme souvent dernièrement tout s’aligne !
– Quelle prochaine king line rêverais-tu de toucher ou de gravir ? As-tu des idées de prochains projets ou voyages, ou te laisses-tu porter au fil des opportunités ?
Pour l’instant pas de king line en vue mais l’heure du trad et des grandes-voies a sonné, alors dans un mois je prends la direction des USA pour aller poser des coinceurs. Et puis déjà pleins de projets déjà réfléchis ou en cours de création, tout ça entouré de personnes formidables qui se reconnaîtront !
Elsa Ponzo, a talented French rockclimber and member of the FFCAM Excellence group, is currently in full crushing mode! Last November, Elsa climbed her first 8c at Citdibi in Turkey, and now “La Rubia” (8c+), the famous King Line at Villanueva del Rosario in Andalusia, is done, after no less than 2 months projecting there! Dazzling progress! Talk with her about projecting hard.
– Could you quickly introduce yourself?
Elsa Ponzo, I’m 28 years old. Originally from the Paris region, I’ve been climbing since I was 9. I started out competing at international level and then truned into outdoor climbing. I had the opportunity to join federal groups, which enabled me to make the transition. Today, I’m a technical partner at Simond and work as a climbing instructor on a seasonal basis, which allows me to have free time to devote to rockclimbing.
– Last November, you climbed your first 8c in Turkey, and now you’ve ticked “La Rubia”? How do you explain this progress?
For several years now, I’ve been focusing on MP routes and trad climbing. So it’s true that if there’s a choice between going for a MP route or going for a sportclimbing one… there’s no doubt I’ll go for MP route, especially for the adventure and the time you share with others and the chance to meet up in special places. It’s not every day you get to meet people you get on well with and with whom you can carry out your projects. Last year, I spent several months in South America, where I had the opportunity to climb with Caro (editor’s note: Caroline Minvielle), and this encounter really helped me evolve, as we shared our worlds and our projects. We realized that we had a lot in common, and since then we’ve been working on a wide variety of projects. We found ourselves, after putting in some good sessions on MP routes in the spring and autumn, wanting a bit of peace and quiet, and we ended up in some of the most emblematic rockclimbing places: Citdibi in Turkey and Villanueva del Rosario in Spain.
Knowing that we were going to be there for a while, my friends motivated me to try out some harder stuff, as I’m often happy with good fights onsight and spread myself very quickly to always be able to enjoy a place. So I embarked on a path I’d never have taken, either because of the potential investment or because of the intimidating aspect (even I was psyched), but knowing that my friends were in it, the motivation and emulation were at their highest. That’s why I was able to express myself so well, a real game where you really try to be there for each other and vice versa, a bit like the rope team spirit you can find on multi-pitch climbing.
– You’ve been working on “La Rubia” for the past two months, how did you go about the process?
To begin with, when I arrived at the cliff, I was directly attracted by the line of the “Rubia”, it caught my eye, a bit like love at first sight, it grabs you and you stay dazzled. If the desire is there, for me anything is possible. The discovery with Céline and Caro was memorable. It took us two days to get to the anchor; moves are complex when there’s no long draws or piece of ropes to grab and you choose not to take a beta stick, because that was the rule we’d imposed on ourselves, out of naivety no doubt. After those two days, we were exhausted and at the same time psyched by these moves! We had to find strategies to hold the top without getting too tired. The patience of work and beta research. After Christmas holidays, I went back with other friends and the emulation was there again, we just had to recover from the fatigue of the previous months and accept the days sometimes a little too cold. I continued to refine my betas, and then I just wanted to give it my all, but it wasn’t working. When I reached saturation point, I decided to try other projects, to take my mind off things, to do some check goes in other routes as I used to do before.
And then there was the day when I didn’t do as I’d imagined, the route was occupied by friends so I warmed up on other routes and then a window free on « La Rubia” arrived. I had no expectations because I wasn’t even thinking of going in the route that day. And it was with no expectations that I finally succeeded that day. I must have put in 36 attempts, so it sounds like a lot, because I admit I counted up after an average of two tries in a day, and even then I only went to the anchor 4 times, so I must have done 18 sessions. I have to admit that I checked the betas around 6 sessions and then I just tried it. I was psyched by the route and happy to go on it every time, even if there was a time when I kept falling in the same place. Just climbing the moves made me so happy.
– « La Rubia »: can you briefly describe the main difficulties, but also what makes it a jewel for you, and a route that you wanted to project?
The main difficulties were finding a method for the “key” crux of the route. At first, I couldn’t do it at all, then I started to stick it, but I could never do it the same beta. The choice of beta was hard, because coming from the ground, I could never do it. It was also a question of choosing when to clip the draw. In short, it has been a details affair before I could actually do it. It’s a route that made me want to project myself, simply by combining aesthetics (it’s beautiful), the quality of the rock, the shape (magnificently sculpted tufas), such a long effort and a contrast between bouldering cruxs and decent rests (for me). The process also excited me enormously.
– You often speaks about fighting on the routes in your post. How do you manage to create the conditions to overcome your mental and physical barriers for a send?
First of all, I think I’ve always climbed for myself and with pleasure. As for my recipe, it consists in finding a route that excites me (by its moves among other things) and finding friends with whom I want to share a moment of life. And, as is often the case recently, all is going well!
– What’s the next king line you’d like to touch or climb? Do you have any ideas for future projects?
For the moment, no king line in sight, but it’s time for trad and MP routes, so in a month I’ll be heading for the USA to go and set some stoppers. And I’ve already got lots of projects already around the corner, all with great people who’ll recognize each other!
Philippe
Dommage les nombreuses fautes d’orthographe, car le récit sort un peu de la plupart des insipides « c’était dur mais c’était cool, pas loin d’enchaîner mais je reviendrai, etc… »!