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Critique Livre : Himalaya business – Book Review: Himalaya business

  • 14/10/2025

À Fanatic on parle de caillou : on ne rapporte pas les exploits de glace, mixte ou d’alpinisme. Alors pourquoi parler d’un livre qui étudie le présent des 8000 en fouillant leur passé pour essayer de deviner leur avenir ?

D’abord, nos blocs et voies trouvent leurs origines dans l’ambition de gravir les montagnes. Ensuite il s’agit ici et là de la même chose: commencer en bas, finir en haut en empruntant au mieux les créneaux d’anti-gravité. Par chance, il est (heureusement) rare de frôler la mort en falaise, alors que les séracs, avalanches, crevasses, zone de la mort et autres réjouissances rendent la haute-montagne plus prenante. Mais surtout, Himalaya business de François Carrel aborde un dilemme qui en obsède certains parmi nous: l’envie de partager VS l’envie de ne pas ruiner.

Qomolangma, c’est-à-dire Everest, souffre aujourd’hui de sa réputation de point culminant de la Terre. Embouteillages sous le sommet, camps-décharges, redistribution discutable des retombées économiques avec les locaux, cadavres servant de repères, bouteilles d’oxygène abandonnées, éthique par la fenêtre, profusion accélérée des hélico et leur lot inévitable de pollution… En rendant l’ascension plus facile, les agences internationales se sont enrichies, tout en appauvrissant une montagne et des vallées de toute majesté. Démocratiser, bel idéal n’est-ce pas? Ouvrir l’impossible au plus grand nombre. Fini l’élitisme. Oubliées les années d’apprentissage au Mont-Blanc, puis au Kilimanjaro, dans les Andes et frottés à quelques 7000 himalayens avant de goûter, enfin, au nirvana. 

Sauf que cette démocratisation appartient comme souvent à ceux qui peuvent se permettre des vacances peu abordables (euphémisme): vols, permis, agence aux services à la carte allant du plus basique et cher au complètement loufoque et exorbitant. Autant dire que la deuxième plus grosse dépense des “éverestiens” n’est clairement pas leur voiture.

Pourtant, victime de sa démocratisation, Qomolangma n’est malheureusement pas le seul à pleurer: le trop-plein de clients se voit rebasculé vers les autres 8000 alentours, qui commencent eux aussi à souffrir des mêmes maux.

himalaya business

François Carrel montre néanmoins une évolution qui pourrait réchauffer un peu le cœur, tel un réchaud fondant une dernière boule de neige: le fait de la décolonisation de ce business. Des sherpas et autres ethnies népalaises ont finalement réussi à prendre la main dans l’exploitation de leur poule aux oeufs d’or. Mais le business, mes amis, c’est le business. Qu’un étranger ou local mène sa ruine, la montagne ne fait pas la différence.

Bref, Himalaya business ne donne pas la banane, et pose en creux la question mentionnée plus haut: doit-on parler de partout? Quelle est la part de responsabilité d’un individu, d’un organisme, d’une communauté dans le sort d’une voie, d’un site, voire d’une région? Est-il toujours bon de partager, partagé que l’on puisse être entre l’envie de diffuser et celle de garder—non pas pour soi, mais pour l’endroit même?

Ce questionnement n’est bien entendu pas nouveau. Beaucoup de secteurs du Frankenjura sont secret bien gardé, et il ne faut pas chercher longtemps (enfin, un peu quand même) pour découvrir en France des falaises ou chaos passés sous silence. Souvent pas par pur égoïsme donc, mais aussi pour tenter de conserver au site une forme d’”authenticité” et de sens de la communauté que l’ouverture au monde pourrait risquer de diluer, voire perdre.

“Pour vivre heureux, vivons caché”. Sauf qu’on aime aussi partager ses coups de cœur. Tout garder pour soi, c’est le début de la fin, non? Voilà par exemple la raison pour laquelle nous faisons des Fanatic Destinations, mais aussi pourquoi nous avons souvent des cas de conscience. Partageons mais taisons aussi. Diffusons mais pas trop. Tiraillement, quand tu nous tiens…

Et s’il existait un superbe 9c, quelque part, gravi pour la première fois par une âme ayant tant intériorisé la tragédie de l’Everest qu’elle l’aurait tenu coi? It’s nobody’s business! L’escalade pour elle-même, pas pour le sponsor, pas pour l’ego, ni par envie d’être (re)connu. Qui sait, peut-être que Sir Edmund Hillary et Tenzing Norgay n’ont même pas été les premiers…

Peut-on, that is the question, découvrir une merveille et ne pas la détruire?

L’Himalaya vu du ciel

At Fanatic, we talk about rock climbing: we don’t report on ice climbing, mixed climbing or mountaineering exploits. So why talk about a book that studies the present of the 8000s by delving into their past to try and second guess their future?

Firstly, our boulders and routes have their origins in the ambition to climb mountains. Secondly, it’s the same thing here and there: start at the bottom, finish at the top, making the most of anti-gravity gaps. Fortunately, it is (thankfully) rare to come close to death on a cliff, whereas seracs, avalanches, crevasses, the death zone and other delights make high mountains more thrilling. But above all, the book Himalaya Business by François Carrel addresses a dilemma that obsesses some of us: the desire to share versus the desire not to ruin.

Qomolangma, or Everest, is now suffering from its reputation as the highest point on Earth. Traffic jams below the summit, landfill camps, questionable redistribution of economic benefits to local communities, corpses serving as landmarks, abandoned oxygen bottles, ethics thrown out the window, an accelerating proliferation of helicopters and their inevitable pollution… By making the climb easier, international agencies have enriched themselves, while impoverishing a majestic mountain and its valleys. Democratisation, a fine ideal, isn’t it? Opening up the impossible to as many people as possible. No more elitism. Gone are the years of training on Mont Blanc, then Kilimanjaro, in the Andes, rubbing shoulders with some 7,000 Himalayan peaks, before finally tasting nirvana.

Except that this democratisation, as is often the case, belongs to those who can afford holidays that are not exactly affordable (to put it mildly): flights, permits, agencies offering à la carte services ranging from the most basic and expensive to the completely crazy and exorbitant. Suffice it to say that the second biggest life expense for ‘Everestians’ is clearly not their car.

However, as a victim of its democratisation, Qomolangma is unfortunately not the only one to suffer: the overflow of customers is being redirected to the other 8,000-metre peaks in the area, which are also beginning to suffer from the same problems.

François Carrel nevertheless points to a development that could warm the heart a little, like a stove melting the last snowball: the decolonisation of this business. Sherpas and other Nepalese ethnic groups have finally managed to take control of the exploitation of their golden goose. But business, my friends, is business. Whether a foreigner or a local leads it to ruin, the mountain makes no distinction.

In short, Himalaya Business does not make for heart-warming reading, and implicitly raises the question mentioned above: should we talk about everything? What is the share of responsibility of an individual, an organisation or a community in the fate of a route, a site, even a region? Is it always good to share, torn as we may be between the desire to spread the word and the desire to keep it to ourselves—not for our own sake, but for the sake of the place itself?

This question is, of course, not new. Many areas of the Frankenjura are well-kept secrets, and you don’t have to look far (well, maybe a little) to discover crags in France that have been kept under the radar. Often this is not out of pure selfishness, but also in an attempt to preserve a sense of ‘authenticity’ and community spirit that opening up to the world could dilute or even destroy.

‘To live happily, live hidden’, as we say in France. Except that we also like to share our favourite spots. Keeping everything to yourself is the beginning of the end, isn’t it? That’s why we do Fanatic Destinations, for example, but also why we sometimes have pangs of conscience. Let’s share, but let’s also keep quiet. Let’s spread the word, but not too much. The struggle is real…

What if there was a superb 9c route somewhere, climbed for the first time by someone who had internalised the tragedy of Everest so deeply that they kept it silent? ‘As if to say ‘it’s nobody’s business’. Climbing for its own sake, not for sponsors, not for ego, nor for the desire to be recognised. Who knows, maybe Sir Edmund Hillary and Tenzing Norgay weren’t even the first up there…

To sum up: can we touch something fabulous and not destroy it?

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