L’auteur et grimpeur canadien David Smart continue à retracer la vie de monuments de notre sport, cette fois-ci en se concentrant sur Royal Robbins. Après ses biographies de Paul Preuss et Emilio Comici, Smart s’intéresse à un personnage dont le nom évoque souvent quelque chose, mais sans qu’on sache forcément bien quoi, surtout en Europe.
Coupons court au suspens: si vous avez déjà entendu parler du Yosemite, c’est grâce à lui. À quelques exceptions près, si vous connaissez des noms de voies dans la (aujourd’hui) célèbre vallée, elles ont été ouvertes par lui. Les premières ascensions en libre à El Cap, le premier solo sur la paroi, c’est lui. Le terme “clean climbing”, c’est lui, philosophie de la grimpe qu’il a promu bec et ongles après avoir découvert les premiers coinceurs artisanaux en Angleterre. Évoquez n’importe quel nom lié à la grande époque du Yosemite (Tom Frost, Chuck Pratt, Gary Hemming, Yvon Chouinard etc), et Robbins a grimpé avec eux, souvent en premier d’ailleurs. Bref, l’escalade actuelle aurait eu un autre visage sans Royal Robbins.
À son habitude, Smart se cantonne à une approche chronologique de la vie de ses sujets. Grâce à quantité de documents d’archive inédits, familiaux et autres, l’auteur nous fait entrer dans l’existence de Robbins aussi bien par le biais de l’escalade que de la vie intérieure de cet homme délicat à cerner. On suit dès lors l’évolution de Royal depuis une enfance assez difficile jusqu’à la découverte du Yosemite, le jonglage “travailler ou grimper”, son âge d’or, ses combats, ses séjours professionnels dans les Alpes (il ouvre des voies majeures en France, telle que “La directe américaine” sur les Dru ou “Voie Américaine” dans les Calanques), ses rivalités, ses amitiés (parfois avec les mêmes). Son couple avec Liz Burkner vit également sous la plume de Smart, lequel met en lumière non seulement le soutien sentimental et professionnel que Liz aura apporté à Royal, mais également en terme d’escalade, puisqu’elle fut un temps l’une des meilleurs grimpeuses de la vallée.
Les deux premières biographies de Smart sont très réussies, de vrais plaisirs de lecture pour quiconque s’intéresse à l’histoire de notre passion. Mais un des plus qu’apporte Royal Robbins, c’est que son sujet se trouve au centre d’un mouvement aussi bien technique qu’entrepreunarial qui voit naître plusieurs des marques habitant notre quotidien. La marque Royal Robbins, fondée par l’intéressé et sa femme en 1968, existe toujours, même si elle a abandonné le versant purement escalade à cause de litiges dûs à des accidents. Ceci étant, Robbins fut longtemps le premier distributeur de marques européennes (EB, Galibier, Eldelrid etc.) aux USA, et Galibier lui demanda même de concevoir un chausson: les RR furent nés. Mais sortent également de l’escalade au Yosemite de cette époque North Face ou encore Esprit (pas grimpe mais pas rien non plus).
À cause de problèmes d’arthrose et du niveau croissant des nouvelles générations, Robbins fut peu à peu éclipsé, sans pour autant s’arrêter de grimper—sa dernière FA date en effet de 2003, alors qu’il avait 68 ans! Plus surprenant, il se convertit par la suite au kayak, et sera l’auteur de plusieurs premières descentes ébouriffantes: San Joaquin River Gorge (1980), Kern Trench (1981), Middle Fork of the Kings River (1983).
Royal Robbins: un immense grimpeur, un homme sûr de ses batailles mais aussi de ses retraites, qui se trouve et se cherche, et un délice de lecture.
NB: à la date de publication de cette critique, le livre n’est pas encore traduit en français.
Canadian climber and author David Smart continues to trace the lives of monuments to our sport, this time focusing on Royal Robbins. Following on from his biographies of Paul Preuss and Emilio Comici, Smart now turns his attention to a figure whose name often evokes something, but we don’t necessarily know what, especially in Europe.
So, let’s cut to the chase: if you’ve ever heard of the Yosemite, it’s thanks to him. With a few exceptions, if you know the names of any of the routes in the (now) famous valley, they were opened by him. The first free climbs on El Cap, the first solo on the wall, it’s him. He coined the term “clean climbing”, a philosophy of climbing that he promoted tooth and nail after discovering the first home-made stoppers in England. Mention any of the names associated with the great Yosemite era (Tom Frost, Chuck Pratt, Gary Hemming, Yvon Chouinard etc.), and Robbins climbed with them, often as the leader. In short, today’s climbing would look very different had it not been for Royal Robbins.
As usual, Smart sticks to a chronological approach to his subjects’ lives. Thanks to a wealth of unpublished archival documents, both family and otherwise, the author brings us into Robbins’ life both through climbing and the inner life of this hard-to-fathom man. We follow Royal’s evolution from a rather difficult childhood to his discovery of the Yosemite, the “work or climb” juggling act, his golden age, his struggles, professional stays in the Alps (he opened major routes in France, such as “La directe américaine” on the Dru or “Voie Américaine” in the Calanques), his rivalries and friendships (sometimes with the same people). His relationship with Liz Burkner also comes to life in Smart’s biography, who highlights not only Liz’s emotional and professional support for Royal, but also her climbing skills, as she was once one of the valley’s top female climbers.
Smart’s first two biographies are very well done, a real pleasure to read for anyone interested in the history of our passion. But what makes Royal Robbins so special is that its subject is at the heart of a technical and entrepreneurial movement that has seen the birth of many of the brands that populate our daily lives. The Royal Robbins brand, founded by Robbins and his wife in 1968, still exists, although it has abandoned the purely climbing side of the business due to accident-related litigation. That said, Robbins was for a long time the leading distributor of European brands (EB, Galibier, Eldelrid etc.) in the USA, and Galibier even asked him to design a shoe: the RR was born. Other brands to emerge from the Yosemite climbing scene at the time were The North Face and Esprit (not climbing, but not nothing either).
Due to arthritis and the rising standards of the younger generations, Robbins was gradually eclipsed, but he never stopped climbing-his last FA was in 2003, age 68! More surprisingly, he later converted to kayaking, and was responsible for several stunning first descents: San Joaquin River Gorge (1980), Kern Trench (1981), Middle Fork of the Kings River (1983).
Royal Robbins: an immense climber, a man sure of his battles but also of his retreats, who finds and seeks himself, and a delight to read.