Le jeune crack Montpellierain Théo Blass (13 ans) vient de réaliser une belle croix à la maison avec la 2ème ascension de “La folle histoire immonde” 8c+/9a. Cette voie située dans un des plus beaux secteurs du Thaurac (l’Aigle) a été libérée par Seb Bouin en 2019 et, comme beaucoup de ses voies, n’a jamais été répétée. C’est long, dur et complexe, avec plusieurs sections difficiles, et un crux sommital estimé à 7B bloc après un 8c d’approche… Un crux aussi mental où Théo a du apprendre à gérer la pression pour dompter la voie. Un an après sa réussite de “TTT” Théo tutoie de nouveau le 9ème degré. Il revient pour nous sur cette perf’ !
“Après avoir enchaîné “Guère d’usure” (et “Super Samson” dans la foulée) au tout début de 2021, je me suis mis à chercher un projet un peu plus dur, idéalement dans le 9 et pas trop loin de la maison. Seb Bouin avait récemment libéré un vieux projet à la falaise de l’Aigle, au Thaurac, un des sites oubliés dans l’arrière pays de Montpellier. La voie s’appelait “La Folle Histoire du Monde” – une 8c solide. Seb a aussi fait une extension de la voie, qui ajoute une trav de 4-5 m pour rejoindre le crux d’une 8a+ très bloc (“Kokopeli”) et finir avec 5-6 m d’escalade plus facile – c’était la “Folle Histoire Immonde” 8c+/9a. J’ai tout de suite flashé sur ce secteur qui domine le Thaurac et sur cette voie qui traverse pratiquement tout le secteur par la partie la plus déversante (la voie de l’emmerdeur quoi !). J’ai travaillé la voie quelques séances et je commençais à enchaîner des belles sections, mais il me manquait un mouv’ très dur pour moi dans la trav’ (un gros croisé-décroisé sur prises très moyennes et très mauvais pieds) et le dernier crux – 3-4 mouvs très physiques sur très mauvaises règles. En plus je n’arrivais pas a enchaîner la première partie en entier (une section de 8b+ sur 7-8m). Au bout de 5-6 séances au printemps 2021 j’ai arrêté de travailler la voie car je n’avançais pas des masses et il commençait à faire chaud (la voie passe au soleil au tout début d’après midi mais le pied devient insupportable vers midi).
J’avais complètement oublié la voie jusque ce mois de septembre – comme il faisait très chaud et on n’avais pas envie de faire des longues marches d’approche, on allait souvent grimper dans les petits secteurs frais et ombragés du Thaurac (comme le rocher du Sion). Je m’amusais a faire des voies dans le 8 le plus rapidement possible. Après quelques séances Je me suis rappelé de ce vieux projet qui m’attendait juste en face. On est retourné un matin a l’Aigle et j’ai tout de suite eu des super bonnes sensations dans le projet – je sentais que j’avais de la marge. Au bout de 2-3 séances a recaler les pas je suis arrivé au petit repos avant le dernier pas dur (le crux de “Kokopeli”) – je savais que la croix était toute proche car je me sentais pas trop cuit et je maitrisais pas mal le pas qui m’attendait. Et là j’ai eu un coup de stress : et si j’enchaîne ? C’était la peur de la réussite comme je ne l’avais jamais ressenti avant… J’avais envie de vomir. J’ai dit à mon assureur : “sec”. Je suis descendu et je me suis effondré en larmes. Je venais d’abandonner le combat sans même d’essayer car j’avais la nausée. C’était trop injuste.
La séance d’après, rebelote – j’ai vécu exactement la même frustration deux fois d’affilée dans la même séance. Pour moi c’était la fin – j’allais plus jamais pouvoir grimper des voies dures – à chaque fois la nausée me jouait un tour juste avant le crux final. A tel point que j’envisage de faire des voies sans crux final. Je pensais à plein de solutions possibles: nux vomica, airpods, des pensées positives comme « c’est pas grave on va tous crever un jour »… mais rien à faire… Et la pression montait car je ne pouvais faire que 2 runs dans la séance (la voie passe au soleil vers 13h et on n’est pas vraiment du matin) et la saison des pluies approche (les épisodes cévenols sont sévères ici). Finalement le jour de l’enchaînement la voie est passée toute seule et sans aucun artifice (j’étais trop occupé a me chantouiller une prod de rap dans ma tête et j’ai oublié la pression et la nausée). C’était presque trop facile – j’étais un peu déçu car il n’y a pas eu de combat, mais en même temps j’étais trop content d’avoir pu toucher le 9 degré de nouveau.”
Photos: Laurent Dormont
Young gun from Montpellier, France Théo Blass (13) just completed a nice send at home with the second ascent of “La folle histoire immonde” 8c+/9a. This route in one of the most beautiful sectors of the Thaurac (l’Aigle) was freed by Seb Bouin in 2019 and, like many of his routes, has never been repeated. It’s long, hard and complex, with several difficult sections, and a top crux around 7B boulder after an 8c approach… It’s also a mental crux, where Théo had to learn to deal with pressure to climb the route. One year after his “TTT” send, Théo is back in the 9th grade and looks back on this performance for us!
“After climbing “Guère d’usure” and “Super Samson”at the start of 2021, I started looking for a slightly harder project, ideally in the 9th grade and not too far from home. Seb Bouin had recently freed an old project at the Aigle sector, Thaurac, one of the forgotten sites in Montpellier’s backcountry. The route was called “La Folle Histoire du Monde” – a solid 8c. Seb also made an extension to the route, adding a 4-5 meters traverse to join the crux of a very bouldery 8a+ (“Kokopeli”) and finishing with 5-6 m of easier climbing – this was the “Folle Histoire Immonde” 8c+/9a. I immediately fell in love with this sector overlooking the Thaurac and with this route, which crosses practically the whole sector on the most overhanging part. I’d worked the route for a few sessions and was starting to link together some long sections, but I was missing a very hard move for me in the traverse (a big cross on very desperate holds and very bad feet) and the last crux – 3-4 very physical moves on very bad holds. What’s more, I couldn’t complete the whole first part (an 8b+ section over 7-8m). After 5-6 sessions in the spring of 2021, I stopped working the route because I wasn’t making much progress and it was getting hot (the route is sunny in the early afternoon but the foot becomes unbearable around midday).
I’d completely forgotten about the route until September – as it was very hot and we didn’t feel like doing long approach walks, we often went climbing in the cool, shady areas of the Thaurac (like the Sion sector). I’d have fun doing routes in the 8the degree as quickly as possible. After a few sessions, I remembered this old project waiting for me just across the road. We went back to l’Aigle one morning and I immediately had a really good feeling about the project – I felt I had some place for improvement. After 2-3 sessions of readjusting my betas, I came to a little rest before the last hard step (the crux of “Kokopeli”) – I knew that the send was just around the corner because I didn’t feel too pumped and I had quite a bit of control over the crux ahead of me. But then I got nervous: what if I went on? It was fear of success like I’d never felt before… I felt like throwing up. I told my belayer: “take”. I went down and broke down in tears. I’d just given up the fight without even trying because I was nauseous. It was so unfair.
The next session, the same thing happened again – I experienced exactly the same frustration twice in a row in the same session. For me, it was the end – I’d never be able to climb hard routes again – and each time I felt nauseous just before the final crux. So much so that I’m thinking of doing routes without a final crux. I thought of lots of possible solutions: nux vomica, airpods, positive thoughts like “it’s okay, we’ll all die one day”… but nothing I could do… And the pressure was growing because I could only do 2 runs in the session (the route passes into the sun at around 1pm and we’re not really morning people) and the rainy season is approaching (the Cévennes episodes are severe here). In the end, on the day of the climbing session, the route went quite well and without any tricks (I was too busy singing a rap prod in my head and forgot about the pressure and the nausea). It was almost too easy – I was a bit disappointed because there was no fight, but at the same time I was too happy to have touched 9 degree again.”
Photos : Laurent Dormont