Profitant d’un temps exceptionnellement venté pour la saison, le talentueux grimpeur belge Seb Berthe vient de réaliser la seconde ascension de la grande-voie extrême de Montserrat (Catalogne) “Arco Iris” 8c+, 200m. Libéré par Edu Marin en octobre dernier, le challenge propose 5 longueurs soutenues (6c, 8b+, 8c+, 8b, 8a+) avec des plombs monstrueux supérieurs à 20 mètres en cas de chute. Voici le ressenti de Seb.
“Arco Iris” est mon plus gros accomplissement en grande voie. Cette ancienne voie d’artif est relativement soutenue et incroyable : elle remonte une proue déversante sur 5 longueurs. Edu a rééquipé la voie avec des points très espacés de manière à ce que tenter la voie en libre ne gêne pas le fait de la grimper en artif, ce qui ne pose pas de problèmes ici à Montserrat. J’ai pris le plus gros plomb de ma vie dans cette voie, environ 25 mètres en essayant la longueur en 8c+. Cela rend les choses vraiment difficiles à gérer mentalement, mais je pense que je m’en suis bien sorti ! Malgré quelques parties avec du rocher fragile, les prises sont magnifiques et l’escalade superbe et bien rési ! Concernant le processus, j’ai découvert le mur et la voie ce printemps quand j’ai réalisé “Tarrago” à la journée (la voie des frères Pou juste à droite qui partage certaines parties avec celle-ci). Quand je suis allé dans “Arco Iris” je l’ai trouvé bien plus dure… C’était la première de ma vie que j’ai eu autant de difficultés en essayant une grande voie le premier jour. J’ai pu enchaîner la longueur en 8b+ mais la longueur clé en 8c+ était vraiment dure à appréhender physiquement, techniquement et mentalement, terriblement rési. J’ai dû quitter l’Espagne sans la croix.
Cet été, je devais retourner en Espagne pour préparer un gros projet pour l’année prochaine, et j’étais assez proche de Montserrat. Malgré la chaleur j’y suis retourné et j’y ai trouvé de relativement bonnes conditions grâce au vent. Le 2ème jour dans la voie, je me suis fait botté les fesses une seconde fois mais j’ai compris que je pouvais faire cette voie en grimpant parfaitement bien. A mon 3ème jour dans la voie, je me suis senti de mieux en mieux dans la longueur clé et j’avais des méthodes parfaites. J’ai mis un essai parfait dans le 8c+ et je suis tombé complètement pété à quelques mouvements du relais ! Je me suis senti confiant et heureux : je savais que je pouvais le faire.
A la fin de la journée, j’étais en train de bosser des sections de cette longueur clé quand j’ai cassé une prise clé dans la partie finale, enlevant le seul repos possible dans cette section, rendant encore plus dure cette longueur… Les doutes sont rapidement revenus. Dimanche était mon 4ème jour de travail dans la voie, et je n’étais pas sûr de mes chances. Peu importe, j’ai mis un essai “a muerte” avec mon pote belge Baptiste Verdin en guise de compagnon de cordée. J’ai réalisé la première longueur relativement facilement par rapport aux autres fois. Pour mon premier essai dans le 8c+, je suis tombé là où j’ai cassé la prise la session précédente. J’ai retravaillé mes méthodes un petit peu et j’ai pris 2 heures de repos. À mon deuxième essai, j’ai très bien grimpé mais je me suis senti de plus en plus fatigué au fur et à mesure que j’avançais. J’ai atteint l’endroit où j’étais tombé précédemment et j’ai crié fort en faisant le mouvement. J’étais vraiment à la limite. Pendant les 10 derniers mètres, j’ai bataillé à chacun des mouvements, probablement une des plus gros combat de ma vie ! Les deux dernières longueurs, j’ai donné le meilleur. Malgré les bouteilles je les ai enchaînées directement. Après plus de 9 heures dans la voie nous étions en haut du mur. J’étais vraiment heureux et euphorique. J’ai mis en tout 4 jours pour réussir la voie, en réalisant en tête chaque longueur, et j’ai mis beaucoup de concentration mentale et d’énergie pour relever le défi qu’offre cette voie. Merci à Edu pour tout ce travail sur cette voie !
Concernant les cotations, de mon point de vue, la longueur clé est un vrai 8c+ (encore plus depuis que j’y ai cassé une prise), mais j’ai trouvé les autres longueurs plus faciles que ce qu’annonçait Edu. Je dirai 8b au lieu de 8b+ pour la L2, 8a+ au lieu de 8b pour la L4 et 8a au lieu de 8a+ pour la dernière longueur. Voyons ce qu’en penseront les grimpeurs suivants…
Photo: Julia Cassou – JuliaCassou.com
Taking advantage of exceptionally windy weather for the season, the talented Belgian climber Seb Berthe has just completed the second ascent of the extreme multi-pitch Montserrat (Catalonia) “Arco Iris” 8c+, 200m. Freed by Edu Marin last October, the challenge offers 5 sustained pitches (6c, 8b+, 8c +, 8b, 8a+) with potential falls up to 20 meters.
“Arco Iris” is my hardest achievement in multipitch climbing for sure. This ancient aid route is really sustained and incredible: it follows an overhanging corner for 5 pitches (6c, 8b+, 8c+, 8b, 8a+). Edu rebolted the line with huge runouts so the freeclimb does not bother the aid, which is really important there in Montserrat. I took the longest whipper of my life, about 25m, trying hard on the 8c+… This makes it really hard for the mental, but I think he did a great job there! Despite some loosy rock, the holds are crazy and the climbing is great and so pumpy! About the process, I discovered that wall and the route in spring when I climbed “Tarrago” in a day (The route from the Pou brothers just on the right that shares some parts). Then I went for “Arco Iris”, and it felt so much harder… This was the first time in my life I had so much troubles in a multipitch on my first day: I could send the first 8b+ pitch but the crux pitch felt desperatly hard physically, technically and mentally, and sooo pumpy. I had to leave Spain with this route undone…
This summer, I had to come back to Spain to prepare a big project for next year, and was staying pretty close from Montserrat. Despite the warm conditions, I had to go again and I actually discovered pretty good conditions (quite windy) On the 2nd day on the route, I got my ass kicked a second time but found out that I could send this beast with perfect climbing from myself. On my 3rd day on the route, I felt better and better on the pitch, and had my betas perfectly. I gave a perfect go on the 8c+ and fell completely pumped few moves from the anchor! I was so happy and psyched: I knew I could do it.
At the end of the day, as I was working on some sections of the crux pitch, I broke a key hold of final part and it took off the only rest there. I think it makes the pitch significantly harder… Doubts came back. Sunday was my fourth day working the route, and I was’nt sure I had a chance this day. Anyway, I went “a muerte” with my belgian friend Baptiste Verdin as belayer and partner. I sent the first pitch pretty easily compared to the previous times. On my first go on the 8c+, I fell where I broke the holds the last time. I worked on the beta a bit more and took 2 hours of rest. On my second try, I climbed really well but felt more and more tired while progressing on the route. I reached the point where I fell before and shout loudly while doing the move. I really was at the limit. During the last 10m, I fought hard at every move, probably one of the biggest fight of my life! On the two following pitches, I gave my best. Despite the pump I sent them directly. After about 9 hours on the route we were on the top of the wall I was so psyched and happy about it! In total, I spent 4 days to send the route (leading every pitches) and put quite a lot of mental focus and energy to overcome the challenge that the route offers. Thanks to Edu for the work on this route! About the grades, in my opinion, the crux pitch felt well and truly 8c+ (even more after I broke the hold), but the other pitches might be a bit easier than what Edu said: I would say 8b instead of 8b+ for the second pitch, 8a+ Instead of 8b for the fourth pitch and 8a instead of 8a+ for the last pitch. Let’s see what the following climbers will think about it…
Photo: Julia Cassou – JuliaCassou.com