“Falaises du Ventoux”, un topo indépendant très complet vient de sortir concernant les falaises de Drôme Provençale : St-Léger, mais aussi Vénasque, Buis Les Baronnies, Mollans, Entrechaux… Cela faisait plus d’une décennie que les falaises de St-Léger et alentours, pourtant fort fréquentées, n’avaient plus de topo d’escalade associé, le topo local édité par le CT FFME 84 ayant été depuis longtemps épuisé. Avant l’annonce de la sortie de ce nouveau guide, une version 2.0 de l’édition fédérale concernant la vallée de St-Léger du Ventoux a aussi vu le jour cet été grâce à Pierre Duret et Vincent Cottalorda. Deux topos en quelques mois après plus d’une décennie de jachère, on est gâtés à l’approche des fêtes !
Afin d’éviter toute polémique sur la concurrence avec le nouveau topo fédéral existant sur les falaises du Toulourenc, Adrien Boulon, équipeur talentueux et reconnu du sud de la France mais aussi auteur du topo “Falaises du Ventoux” (éditions CQFD) annonce dès l’introduction que 15 000 euros — soit une part non négligeable des recettes du livre — seront reversés au profit de l’entretien des sites.
Un effort de transparence et d’éthique qui est à noter, comme annoncé lors de la médiation initiée par Greenspits ce printemps. Il est vrai qu’une certaine opacité entoure souvent les topos quant à la part reversée aux équipeurs locaux ayant œuvré pour ces falaises. Le topo fédéral de la Vallée du Toulourenc indique pour sa part en couverture « 1 topo acheté = 5 broches scellées » (ou 4 broches selon la version) et le Comité Territorial 84 œuvre quotidiennement sur le terrain : rencontres avec les collectivités locales, nouveaux accès et mises en place d’une signalisation pour les accès, ainsi que plusieurs opérations de rééquipement de certaines voies anciennes à St-Léger du Ventoux. Le travail de Pierre Duret et ses collaborateurs est titanesque ;on ne peut que les remercier et les encourager à continuer.
Néanmoins, la liste des sites présentés dans “Falaises du Ventoux” étant plus exhaustive autour du Ventoux (pour un tarif deux fois plus élevé), les deux ouvrages seront bien complémentaires. Une chose est sûre : les deux ouvrages ont été réalisés par des passionnés et des connaisseurs de l’équipement, une aubaine pour nous lecteurs ! Car oui, nous sommes bien nombreux à utiliser ces topos, souvent véritables bibles, pour nous permettre de profiter au mieux de la zone où nous grimpons, mais nous savons finalement peu de choses sur leur création. Aussi, nous sommes allés à la rencontre de Pierre Duret, Vincent Cottalorda et Adrien Boulon afin de comprendre la nature de telles initiatives, appréhender leur vision d’un topo d’escalade éthique, rendre compte de tout ce travail de l’ombre et ainsi mieux appréhender les rouages d’une nouvelle parution.
Nous commençons avec Vincent Cottalorda et Pierre Duret, co-auteurs du topo fédéral “Escalades dans la vallée du Toulourenc” (sortie août 2022, CT FFME 84, 25 euros) :
– Contents d’avoir finalisé cet ouvrage si attendu ?
Oui bien sûr, mais pour nous, le topo n’est pas une finalité, l’avenir de l’escalade dans ce merveilleux vallon du Toulourenc nous parait un enjeu nettement supérieur. Pour que ce soit clair, nous n’avons pas fait la course au topo ; sa préparation était en cours depuis plus d’une année avant sa sortie, donc largement antérieure au travail du topo CQFD, ce dont Adrien Boulon et JB Tribout étaient parfaitement informés, contrairement à ce qu’ils racontent à qui veut l’entendre.
– Pourquoi avoir attendu 14 ans avant de republier une nouvelle édition du topo du Ventoux ? Et 2 additifs plutôt que des nouvelles versions papier ?
La gestion d’un site est un travail beaucoup plus large que l’édition du seul topo. C’est toute la différence entre le travail du CTFFME84 et celui des businessmen du topo commercial. Le CTFFME84 a œuvré toutes ces années pour la pérennité du site : plusieurs campagnes de rééquipement, multiples démarches pour négocier les autorisations et les conventions avec les propriétaires, le parc, l’ONF, les communes, le département, etc. Et tout cela, quand on est bénévole, c’est beaucoup de temps donné. Les 2 additifs, c’était justement pour poursuivre l’information publique, sans objectif lucratif. Alors que le seul travail des marchands de topos se limite à payer des informateurs pour pirater les infos qu’ils n’ont pas, et pour cause : les auteurs du topo « falaise du Ventoux » n’ont jamais œuvré pour le développement ou l’entretien du site.
– Comment vous organisez-vous pour produire un topo ? Quelles sont les étapes incontournables ?
C’est uniquement le travail des bénévoles passionnés du secteur, principalement des équipeurs. Lorsque tous les problèmes d’accès ont été réglés, la mise en sécurité exigée a pu être réalisée, un maximum d’équipeurs a été sollicité pour les informations précises. Comme tout le travail mené en amont, ce topo est l’aboutissement d’un travail collectif, sans aucun intéressement financier, c’est-à-dire exactement l’inverse de CQFD.
– Pourquoi selon vous un topo fédéral est-il plus légitime qu’un topo privé ? À St-Léger beaucoup de lignes n’ont-elles pas été ouvertes par des initiatives privées ?
Pour toutes ces raisons évoquées. Il faut quand même se poser la question de qui entretient (bénévolement) le site et comment ! Qui a financé toutes les campagnes de rééquipement ? Le topo fédéral ne sert essentiellement qu’à financer le matériel sans aucune rétribution des auteurs. D’autres topos, que ce soit fédéraux ou associatifs, fonctionnent ainsi, ou peut-être un peu différemment. Nous, c’est le choix que nous avons fait il y a déjà de nombreuses années. Pour nous le topo n’est pas une fin en soi, il s’affiche dans une démarche pour pérenniser nos sites et leur accès ouvert à tous, avec les rencontres et les démarches qui vont avec concernant les Parc Régionaux, les communes, le département, souvent l’ONF, les autres activités de ce territoire, voire les autres associations… Le topo commercial ne répond à aucune exigence d’une structure publique poursuivant un but d’intérêt général. Le topo privé n’a pas d’autre but que la satisfaction d’intérêts privés. Quand tout sera privé, vous serez privés de tout : CQFD ! C’est écœurant de constater que ces gens sans scrupules n’ont jamais participé à rien dans le vallon du Toulourenc ni même ouvert une seule ligne ! Pour se dédouaner, CQFD annonce qu’une partie des bénéfices ira à l’équipement ; c’est clair, une fois que chacun de ces messieurs se sera payé grassement, ils partageront les miettes entre leurs copains ! Quel est d’ailleurs le bilan pour l’équipement du Toulourenc ? Il n’existe pas puisqu’ils n’ont jamais rien fait et que leurs vagues promesses de don n’engagent que ceux qui les croient.
– Pour vous, seuls les grimpeurs locaux ont donc le droit de produire un topo des lieux ?
Ce n’est pas une question de droit ; malheureusement, dans ce monde où tout est permis, les valeurs éthiques n’ont pas de valeur juridique. Mais lorsqu’on constate que CQFD a dû attendre la sortie de notre topo pour avoir les infos sur les accès et recopier celles qu’ils n’avaient pas (y compris en recopiant nos coquilles !), ou encore quand l’auteur du topo se croit obligé de se présenter en tenue d’équipeur alors qu’il n’a jamais équipé aucune voie dans le secteur, c’est bien qu’ils ont un gros problème de légitimité à contourner ! Si on les suit dans leur logique, les grimpeurs non locaux ou autre maisons d’édition ne font rien dans l’illégalité, donc l’éthique on s’en tape non ? Ce n’est pas une question d’être local mais de s’être investi localement ; dans notre milieu on sait bien qu’un grimpeur « non local » est capable de s’investir raisonnablement, avec passion et plaisir sur un secteur… même à des centaines de kilomètres de son « local »…
– No topo vampire, pour vous qu’est-ce que cela veut dire ? Comment différencier un topo éthique d’un topo vampire ?
Sans être trop méchant, on peut dire que ce topo du Ventoux CQFD s’ajoute à leur collection « Topos Vampire Inté’Graal » où les mêmes hold-up avait été commis au Verdon et à Buoux… Pour publier des topos « inédits » qu’ils ajoutent commercialement au topo du Ventoux, ils ont littéralement pompé des topos circulant sur le net, avec toutes les erreurs. C’est triste et malhonnête ! Dans un topo éthique, on le répète, il n’y a aucun enrichissement personnel, c’est toute la différence ! Topo Vampire ce n’est pas nouveau ! Nous avons une pensée émue pour nos amis de Rockfax pour qui nous avions lancé cette expression… Les Allemands eux, se sont calmés dans ces pratiques commerciales…
– Quels sont les précisément les fonds reversés à l’équipement lors des ventes du topo du CT FFME 84 “Escalade en vallée du Toulourenc”? Combien ? Pour qui ?
C’est quoi cette question à charge ? Parce que évidemment « on vous raconte des salades sur l’investissement des bénéfices »… ? Cette suspicion est malsaine et insupportable ! On croit rêver… On se fait pirater tout notre travail et on doit se justifier ?
Mais nous pouvons le faire ! Le topo Toulourenc a été payé dès le début du mois de septembre, notamment l’imprimeur et l’illustratrice pour la préparation des fichiers. Et quand on choisit notre fonctionnement ça ne coûte pas 25 000€ comme le prétend CQFD… Notre choix est de reverser le maximum sur nos falaises ! En trois mois nous avons déjà acheté pour 8000€ de matériel d’équipement (vous n’allez pas demander copies des factures ?) chez Petzl, Tecforge, Wurth, Camp, Sika… Alors les 15 000€ soi-disant promis aux SNE… Une blague !
Pour qui exactement… Ben il n’y a pas de “exactement”, évidemment les équipeurs du site et principalement ceux qui participent au rééquipement seront « prioritaires » mais sinon, je ne crois pas avoir refusé de filer du matos à quelqu’un de compétent, évidemment… Sauf rupture de stock… Après on peut juste s’assurer (par divers moyens et échanges) que le travail d’équipement sera correctement effectué. Il n’y a pas réellement de contrepartie demandée puisque c’est un peu un travail collectif, sauf peut être… Pas de topo vampire, comme à Buoux… Voire pire !
– Pourquoi ne pas avoir inclus de nouveaux sites autour qui sont dans le département comme la carrière du Maupas ou Entrechaux ? Ou s’être entendu avec le CT de la Drôme voisine pour inclure des nouveaux sites comme le rocher Crespin, Mollans ou Eyroles, situés à quelques kilomètres de St-Léger ?
Si on agit de façon responsable, on n’édite pas un topo sans se soucier de tout le reste. Entrechaux par exemple pourrait figurer logiquement dans ce topo mais pour l’instant les démarches pour le conventionnement sont en cours et ce site pourrait rentrer au PDESI du département du Vaucluse. Il ne nous semblait pas très judicieux de précipiter les choses mais bon ce n’est pas l’avis de tous car un topo du site vient d’être réalisé par un des équipeurs historique du site, évidemment pour contrer CQFD… Mais principalement parce que notre démarche n’est pas une démarche uniquement commerciale et que nous ne cherchons pas à faire du Rockfax/CQFD avec un maximum de sites dans un topo pour attirer le chaland ! En expliquant notre démarche, en conservant une logique géographique, les grimpeurs peuvent peut-être acheter deux topos à 25€, sachant qu’ils participent avec nous à la vie de leur site, plutôt qu’un pavé à 50€ qui va engraisser les profits de quelques-uns avec un reversement illusoire…
Nous avions effectivement anticipé et nous nous étions entendu avec Philippe Saury, à l’époque en charge des SNE pour le CTFFME26, pour prendre les Gorges du Toulourenc dans notre logique de topo, car toute cette partie (depuis La Baleine) est dans le département de la Drôme, commune de Molans. Même s’il y a des particularités foncières, c’est le département voisin.
– St-Léger est actuellement très à la mode, avec une fréquentation très importante. Comment voyez-vous l’avenir du site ?
On ne peut être qu’inquiet de ce type de comportement. Amener du monde dans des sites naturels sans se soucier de l’accord de tous, cela ne peut que mettre en péril le libre accès gratuit de tous au profit d’intérêts particuliers. Le CTFFME84 poursuivra son travail jusqu’au bout avec tous les acteurs institutionnels qui gèrent le partage du territoire, en particulier les activités de pleine nature. Et puis c’est scandaleux et totalement dévalorisant pour la communauté des grimpeurs d’éditer un topo comme cela sans aucune concertation avec personne ni aucun gestionnaire des milieux naturels ; et pour ça on va encore passer pour des charlots (qui évidemment ne sont même pas capables de s’entendre entre eux) vis-à-vis des collectivités… Faudrait quand même réaliser que nous ne fonctionnons plus comme en 1985… Si on veut pérenniser nos sites et notre activité… Mais parfois le business est encore plus fort…
Le rééquipement de St-Léger :
Le rééquipement de Saint Léger nous est apparu d’une logique incontournable, comme quoi l’entretien de nos sites n’a pas attendu certaines polémiques récentes. Dès 2013 certains grimpeurs se sont mobilisés pour revoir l’équipement en face Nord, mais pour le top de la face Nord ce fut en juillet 2016 où une quinzaine de grimpeurs/équipeurs se sont mobilisés pour ce genre de travail. Plus les copains qui faisaient de « l’intendance » au sol… Le soir évidemment un repas en commun a été offert, car un moment de convivialité partagé après ces efforts, c’est pas du luxe. Pour les autres secteurs rééquipés, cela se passe plutôt l’hiver, car pour les collages les températures estivales c’est pas l’idéal. La majorité des voies de la Face Sud, Face Est, FFMEUH et Andalouse ont été rééquipées, soit plus de 200. Majoritairement bénévolement, mais nous avons déjà payé des journées de travail pour des chantiers trop compliqués (genre grosses baumes de la face Sud) quand nous avons le financement (c’est pour cela que j’ai passé une semaine à remplir des demandes de subventions… Au lieu de bosser sur le topo de Venasque.). Évidemment le topo apporte une part importante dans ces financements mais nous demandons aussi des aides au département et nous avons déjà bénéficié de la bourse FFME pour ces travaux. Ce travail de longue haleine continuera pour retourner vers Praniania et La Baleine. Évidemment on nous propose parfois de l’aide, mais nous devons être sûrs des compétences, la plupart sont des équipeurs du site depuis plusieurs années et ces journées d’entretien ne sont pas des journées de formation à l’équipement (malheureusement…). On ne peut pas tout faire… L’objectif reste l’efficacité et ces dernières années certains restent sur place au gîte pour une ou deux nuits selon les dispo de tous… À suivre !
Pierre Duret
Points de vente du topo Saint Léger Toulourenc : à Saint Leger : dans les Gites, Terres Rouges, Bergerie des Salamandres. Librairie du Jardin Singulier. Office de Tourisme Vaison Ventoux Tourisme , Vaison le Romaine, Entrechaux, Mollans sur Ouvèze Office de Tourisme Carpentras Ventoux Provence , Carpentras , Bedoin, Malaucène, Venasque. Office de Tourisme Sault Ventoux Sud, Sault , Villes sur Auzon, office de Tourisme Buis les Baronnies, Montbrun les Bains. Intersport à Vaison la Romaine Baronnies Sport à Buis les Baronnies, Maison de la presse/ tabac Entrechaux, Camping 3 Rivières Entrechaux, Bar Mollans sur Ouvèze, Sport et Montagne Avignon, Le PAN d’Avignon , salle d’escalade Route de Montfavet, Alti Grimpe , Taulignan, Magasins, Au Vieux Campeur. Approach/Chullanka. Alticoop Nice, Montania Sport Grenoble, Boutique FFME, Blue light Sisteron, Kletterfürer.net, Allemagne. Piz Butch & Berg, librairie Alpine Zuerich Suisse. Autres prévus, à suivre…
Questions à Adrien Boulon auteur du topo “Falaises du Ventoux” (sortie novembre 2022, 49 euros) :
– Qui a eu l’idée de se lancer dans la réalisation de ce topo sur les Baronnies et le Ventoux ?
C’est JB Tribout qui est venu me voir pour me proposer ce projet. L’idée de départ était de donner de l’information aux grimpeurs de la zone. À l’initiation de ce projet, aucun topo n’était disponible ni même annoncé, si ce n’est les habituels “ça va sortir (un jour)”. La lacune d’information était donc évidente.
– Tu es davantage connu pour avoir équipé un peu plus au sud, en Corse, dans le Luberon, ou plus
récemment à Saint-Auban. Quelle était ta motivation première pour te frotter à cette région ?
Je n’ai pas de motivation spécifique concernant cette zone en particulier, ça aurait pu être les sites d’escalade de Pétaouchnoque-les-Bains ! Ce qui m’a motivé c’est faire une tâche inédite, maitriser de nouveaux outils, et ainsi produire quelque chose de réel et palpable. J’ai ouvert un paquet de voies presque toutes topographiées par d’autres personnes. J’ai toujours été sur une dynamique de partage en équipement. Voir une zone comme le Ventoux sans topo est une aberration, ça fait une vingtaine d’années que je grimpe dans la zone, et personnellement, je trouve dommage de manquer d’info ! Devoir m’orienter avec de mauvais croquis souvent incomplets me semblait bien regrettable.
Comme dans tous les spots de grimpe à la mode dans le monde, si les locaux ne se motivent pas pour faire leur topo alors ce sont les anglais de Rockfax qui le font. Une majorité déprécie leur travail mais en attendant, beaucoup achètent leurs topos, car ils répondent à un besoin. Pour moi, topographier est l’aboutissement du travail d’équipement, encore faut-il avoir le matériel, les compétences et l’envie de le faire. C’est un travail technique et extrêmement chronophage, on ne pond pas un topo en claquant des doigts !
Alors même si je n’ai pas du tout équipé dans la zone Ventoux, je me suis dis que faire un topo où il y avait un réel besoin pouvait être d’utilité publique.
– Hormis JB Tribout, avec qui as-tu œuvré ? Et comment vous-êtes vous réparti le travail ?
En gros on a réparti le travail en 4 postes. L’édition et la distribution pour JB, l’écriture et la prise d’information par moi-même aidé par Serge Jaulin (équipeur historique du coin) et Jéremy Berry (grimpeur, une vraie bible sur ce secteur), la mise en page et le graphisme par Philippe Poulet, puis à la correction Anne Jankeliowitch et David Chambre.
– Quels sont les détails et les principales étapes de production d’un topo, combien de temps cela a
pris au final ?
C’est un vrai travail de fourmi surtout pour un ouvrage comme le nôtre de quasiment 700 pages qui répertorie plus de 3 000 voies.
Étape 1 : sélectionner les sites d’intérêts à mettre dans le topo, nous avons éliminé certaines options de sites car trop sensibles au niveau des autorisations, ou simplement par manque d’intérêt ou encore parce que certaines falaises (le secteur de Buis-les-Baronnies principalement) sont déjà correctement topographiées par le topo réalisé par le club local.
Notre topo n’est pas exhaustif, mais présente plutôt une sélection de sites d’intérêts à 40 minutes de voiture maximum autour de St-Léger-du-Ventoux (site phare de la zone).
Étape 2 : la prise d’information. Il faut faire les photos des secteurs et les tracés en étant au pied des voies puis récolter un max d’info via les équipeurs et grimpeurs locaux. C’est une tâche ardue quand une partie de la communauté vous prend en grippe…
Étape 3 : la mise en page. Il faut se mettre d’accord sur le format, puis mettre au propre les tracés effectués en pied de falaise à la tablette et au stylet.
Étape 4 : de multiples relectures pour corriger les petites coquilles et aussi trouver les infos manquantes.
Étape 5 : impression.
Étape 6 : distribution.
La production de cet ouvrage a pris une bonne année, de la première photo prise au drone jusqu’à avoir le topo en mains.
– Avez-vous rencontré les pouvoirs publics ou d’autres institutions, notamment pour expliquer les
problèmes de stationnement ou d’accès liés à la fréquentation, et pour prendre le pouls concernant les questions de responsabilité ?
Pour un topo comme le nôtre qui répertorie principalement des sites grimpés et fréquentés depuis 20 ans, la question ne se pose pas vraiment.
Cela fait déjà bien longtemps que les problématiques d’accès et de responsabilités se posent. À ce sujet, les comités territoriaux départementaux ont fait leur travail ! Concernant le sujet de la topographie, ils semblent cependant moins performants : une réédition du topo de Saint-Léger qui met 14 ans à sortir, ou encore celui des 450 voies de Venasque qui en 20 ans n’a jamais vu le jour, semble être un indicateur parlant…
Alors pourquoi ne pas accepter de l’aide quand effectuer cette mission semble si laborieuse ? À la première prise de contact, on s’est gentiment fait envoyer paître de la part du CT 84. Aucune collaboration ne semblait possible car eux seuls pensent détenir la légitimité de réaliser un tel ouvrage. Le CT nous a ensuite annoncé être sur le travail de réédition du topo de Saint-Léger ! Attendu depuis bien (trop) longtemps, notre initiative totalement privée a probablement grandement accéléré la production du leur…
– Quel budget initial avez-vous investi pour produire un ouvrage de la sorte ? De ton côté ? De celui
de JB Tribout ?
De mon côté j’ai eu un peu plus de 6 000 € de frais, entre l’achat du matériel (drone, tablette, stylet) et les frais divers d’hébergement et de déplacement. Pour l’impression, c’est JB, l’éditeur, qui a financé toutes les phases techniques en amont (mise en page, correction, impression) à hauteur de 36 000 €.
– Comment as-tu pu collecter toutes les informations sur les lieux ? Travail de terrain ? Donne-nous
des détails.
Au début du projet j’ai commencé à me faire la main sur des secteurs que je connaissais parfaitement et sur lesquels j’avais toutes les infos nécessaires. Pendant quelques mois, l’objectif c’était plutôt la maîtrise des outils : piloter le drone, importer les images, les trier, les classer, faire les tracés. Une fois les outils maîtrisés je me suis heurté à un problème technique que je n’avais pas envisagé: une bonne partie des équipeurs locaux ont pris notre initiative comme un acte de « piraterie », bien attisés qu’ils étaient par le comité du CT 84.
On passe donc rapidement aux yeux de tous pour les vilains petits canards qui veulent faire de l’argent sur le dos des valeureux équipeurs. Le mode opératoire : une propagande fédérale finement amenée à base de post calomnieux sur Internet.
De mon côté, sans l’appui d’équipeurs locaux la tâche s’avérait délicate, voire impossible. Je manquais cruellement d’infos.
C’est grâce à l’aide précieuse de Serge Jaulin, équipeur boulimique de la zone, et de Jérémy Berry, fort grimpeur et fin connaisseur de l’escalade locale, que le travail de terrain a commencé à être efficace, leur aide a été précieuse ! Serge a équipé un nombre incalculable de voies et des secteurs entiers qui pour certains n’ont jamais été topographiés (comme La Cornerette ou la Combe de Murs). Le projet de topo rentrait parfaitement dans sa démarche de faire connaître les sites où il a œuvré afin d’éviter qu’ils ne tombent dans l’oubli ! Et, de plus, il avait une petite dent envers le CT 84 qui s’est permis de rééquiper ses voies (soit quelques centaines…) sans même se rapprocher de lui pour en discuter, contrairement à ce qui était annoncé sur un travail de concertation avec les ouvreurs originaux.
Jérémy quant à lui avait juste envie de contribuer à l’élaboration d’un topo pour donner de l’information actualisée et pertinente à la communauté grimpante. C’est un vrai collectionneur, il fait toutes les voies, de tous les niveaux et il est, de plus, doté d’une impressionnante mémoire ! Une zone comme le Ventoux, sans topo disponible apparaissait selon lui comme une aberration.
– Une partie des bénéfices du topo sera reversée à l’entretien des sites, peux-tu nous en dire plus : à qui ? Quand ? Comment ? Cela représente environ combien du budget prévisionnel ?
En tant qu’équipeur, quand JB m’a proposé le projet, une des conditions sine qua non était d’allouer une rétribution significative pour l’entretien des falaises, sous forme de matériel facilement accessible pour les acteurs du développement de la zone. J’ai moi-même profité de cela en Corse par exemple, où les auteurs/éditeurs privés m’ont donné plusieurs milliers d’euros de points et de colle pour ouvrir des secteurs complets à Bavella. Tout a toujours été très simple, je leur exposais mes projets, et quand ils rentraient dans leur cahier des charges ils me donnaient en main propre des cartons de points et de colle. Simple et efficace !
La dernière fois que j’ai équipé à Buoux le thème était beaucoup plus complexe, le CT 84 ne donnait des points qu’à la petite troupe dévouée corps et âme à sa cause ! Pour les autres… rien.
Quand on voit d’ailleurs le travail d’équipement effectué au secteur du Colorado, on se demande si donner un peu moins de points n’aurait pas été bénéfique pour éviter ces voies aux scellements « mitraillettes »… C’est clair que l’investissement financier n’était pas leur problème.
Pour les autres, moins « endoctrinés » (pourtant locaux au demeurant), on était « censé » avoir des points dont on a malheureusement jamais vu la couleur ! Greenspits m’a alors fourni rapidement environ une centaine de broches pour pouvoir remédier à cela et ainsi équiper. Mon objectif en faisant ce topo est justement de fournir du matériel facilement accessible aux équipeurs locaux, sans avoir « à lécher les bottes » de qui que ce soit au préalable… Il y a donc deux options pour avoir ce matériel :
- Passer au « Jardin singulier » (le lieux de rencontre des grimpeurs de Saint-Léger), prendre
contact avec le ou les référents équipement et exposer son projet. S’il rentre dans le cahier des
charges (mission à effectuer sur un site autorisé, équipement ou rééquipement sur un site
d’intérêt, compétence pour effectuer le boulot) alors vous pourrez récupérer le matériel nécessaire,
le noter sur la fiche de suivi, et ensuite carte blanche pour faire fumer le perfo. - Passer directement par JB ou moi, en exposant le projet et on fera l’envoi de matériel.
Une partie du matos ira aussi directement au club de Buis-les-Baronnies qui gère les sites de
Drôme provençale et notamment celui de Baume Rousse, topographié dans notre ouvrage.
Pour vous donner des chiffres en toute transparence, on va allouer 10 % de nos recettes à
l’équipement, ce qui va représenter sur la première édition une somme d’environ 15 000 €. Tout
dépendra des ventes. Si le stock de topos s’écoule en 2 ans par exemple, ce qui semble plausible,
cette somme sera allouée sur la période.
– Que répondrais-tu aux gens qui pensent que ce topo vampirise le nouvel ouvrage existant concernant les falaises du Toulourenc ? Plus généralement, est-ce que tu penses que n’importe qui est légitime pour produire un topo ?
Premièrement, je tiens à signaler qu’au début du projet il y a un peu plus d’un an aucun topo n’était plus disponible à la vente depuis bien longtemps. Le topo de la vallée du Toulourenc était toujours annoncé comme « en cours d’élaboration » (enfin comme celui de Venasque depuis 20 ans…) et tout le monde commençait à réellement douter de sa sortie.
L’initiation de ce projet a mis un grand coup de pied dans la fourmilière et d’un coup tout le monde s’est activé et le CT a commencé à bomber le torse pour revendiquer une totale légitimité…
Mon point de vue là-dessus c’est que procrastiner pendant 10 ans fait perdre la primeur de sortir un topo dans une zone. Le peu de transparence sur les conditions de « l’aide à l’équipement » et la piètre qualité de beaucoup de topos fédéraux me donnent de l’urticaire.
Quand il y a un manque de topo dans une région, je ne vois pas le problème qu’un éditeur privé s’y colle, d’autant plus s’il contribue à l’entretien des falaises en reversant un pourcentage aux acteurs locaux.
Notre topo regroupe plusieurs falaises dans la région Ventoux, comprenant Saint-Léger-du-Ventoux
et une sélection de sites autour de ce spot.
Sur les 700 pages de notre topo, Saint-Léger représente 1/3 de l’ouvrage.
On ne vend donc absolument pas la même chose… Notre topo est plus cher, mais c’est un topo 3 en 1. Le Toulourenc, mais également Venasque, Mollans-sur-Ouvèze et bien d’autres spots, soit en tout 12 falaises de la zone. Les sites découverts et équipés par Serge Jaulin, par exemple, n’avaient jamais été topographiés dans le moindre ouvrage et d’autres présentaient des informations totalement obsolètes. Quand on s’est réellement intéressé aux falaises unes par unes, en se rendant sur place et en y passant plusieurs jours, on s’est aussi vite rendu compte que l’existant (vieux topos, topos plus récents disponibles sur internet, topos « sous le manteau »…) était truffé d’erreurs et certains accès même totalement incompréhensibles.
Les gens qui voudront grimper exclusivement à Saint-Léger achèteront donc le topo fédéral, et ceux qui voudront élargir leur champ d’action choisiront le nôtre. Je trouve que la sortie simultanée de ces deux topos — mais aussi celui d’Entrechaux — est plutôt complémentaire.
Il y a pleins de sports qui répertorient des itinéraires (rando, vélo…), il y a souvent des dizaines de topos-guides pour une même zone et cela ne pose souvent aucun problème et, finalement, c’est l’acheteur final qui choisit.
En ce qui concerne la vampirisation, je répondrais juste à la Fédé : faites votre job. Sortez ou rééditez les topos dans des délais corrects et vous n’aurez pas ou peu de topos concurrents. Rappelons juste que le classique discours du « c’est les topos qui permettent de financer le rééquipement » d’office ne tient pas la route et les gens qui réfléchissent deux minutes n’en sont pas dupe.
La priorité devrait donc être de sortir des topos pour gagner de l’argent pour ensuite le réinvestir dans l’activité locale. Quand on voit des trous dans la raquette du maillage des topos qui mettent 10 ou 15 ans à sortir on se rend bien compte qu’il y a un petit problème quelque part… Même si je n’aime pas trop la démarche de Rockfax, puisqu’ils ne contribuent pas ou peu au développement des falaises, ils produisent souvent des ouvrages aux endroits où il y a un manque (Majorque, Provence…) et ils compilent plusieurs falaises dans des zones où il y en a en abondance. Acheter 15 topos différents pour grimper dans une même zone me semble complètement has-been.
En ce qui concerne le topo du Ventoux, l’appellation topo vampire me fait sourire. Comment peut-on vampiriser l’inexistant ! Quand j’ai commencé la prise d’info il y a un peu plus d’un an, aucun ouvrage n’était disponible et l’ancien topo de Saint-Léger était complètement obsolète…
– Il y a une ribambelle de topos privés sur des falaises connues à l’étranger, notamment en Espagne. Toi qui as équipé là-bas et bâti de nombreuses connexions, quelle comparaison pourrais-tu dresser avec l’hexagone ?
En Espagne tout est plus simple, la fédération espagnole n’a jamais été très présente. La majorité des topos sont donc des initiatives privées, par exemple à Rodellar, réalisé par le camping Mascun et le refugio Kalandraka.
En Catalogne, c’est Dani Andrada et Pete O’Donovan qui se sont motivés pour faire de véritables “bibles” : deux tomes répertoriant presque toutes les falaises de la région. Encore une initiative privée.
Dans la région d’Alicante et Valence, c’est Renaud Moulin et Jose Luis Palao, deux amis et équipeurs du coin, qui l’ont fait. Leur objectif était de faire connaitre ces falaises afin que les voies soient grimpées et ne tombent pas dans l’oubli. Ils ont aussi fait deux tomes qui répertorient également presque toutes les voies de la zone.
À Margalef, ce sont les deux équipeurs principaux qui ont produit un topo chacun.
En Andalousie et à Majorque, ce sont les anglais de Rockfax qui a pris la main.
En faisant ce tour rapide non-exhaustif de ce qui se passe en Espagne, on voit bien que la vision des topos est résolument plus moderne en terre ibérique. Il y a souvent plusieurs topos pour une même zone, les éditeurs étant en majorité privés. À ma connaissance, la rétribution aux équipeurs locaux est souvent saine mais parfois le sujet est obscur et manque de transparence.
En Espagne, topographier est vu comme un travail à part entière fait par les équipeurs eux-mêmes, par des entreprises touristiques locales (gîtes, campings…) ou des éditeurs spécialisés privés.
– Les falaises du coin sont déjà bien fréquentées, n’as-tu pas peur d’accentuer la sur-fréquentation des lieux avec la parution d’un tel ouvrage ? Comment vois-tu le futur de l’escalade ici ?
Je pense qu’un ouvrage comme le nôtre va au contraire répartir la masse de pratiquants. Le grimpeur est mobile, le fait d’avoir un ouvrage en main qui recense une dizaine de falaises de la zone va en motiver plus d’un à s’éloigner de Saint-Léger, d’autant plus si la falaise est blindée à la période pendant laquelle on voyage.
Avec plus de 1 000 voies jamais recensées dans notre topo, dont une majorité dans des niveaux abordables (5, 6 et 7ème degrés), je pense que ce topo sera justement bénéfique pour Saint-Léger. La qualité des voies à Venasque, Entrechaux ou sur certains secteurs de La Cornerette par exemple est exceptionnelle. Ils sont tous très peu fréquentés, principalement par manque d’informations « grimpesques », et je trouve ça dommage, j’espère réellement que ce topo va rééquilibrer la balance.
Le CT 84 est plutôt investi pour pérenniser l’escalade dans la région, le club de Buis qui gère les falaises de Drôme provençale est une équipe jeune et dynamique. Avec le topo “Escalade en Drôme provençale”, “Escalade dans la vallée du Toulourenc et Falaises du Ventoux”, l’information est maintenant accessible à tous.
Les spots du Ventoux pour certains sont de classe mondiale, pour y pérenniser l’escalade un travail de concert avec tous les acteurs du développement de la zone (fédération, équipeurs, topographes, clubs locaux etc.) me semble nettement plus approprié qu’une confrontation !
This post discusses a Franco-French issue related to climbing topos, and due to its restricted angle we have chosen not to provide a full translation. To cut a long story short, two new ‘competing’ topo guides have just come out, one published by a commercial publisher, the other by the French Climbing Federation. The latter argues that the former is a profit-making endeavour without any regard for helping with the bolting or maintenance of the sites-or entreaties regarding access, authorisation and so on-, and as such a stab in the back of all those who give their time and energy to developing the area. In short, the ‘other topo’ is in their eyes ‘illegitimate’. As for the private publisher, their view is that the previous federation’s topo, long out of stock, was published 14 years ago, leaving climbers without any relevant information regarding rebolting and new sectors from the federal body. They have pledged to donate 10% of their profit margin towards bolting, and actually view the dual publication as more helpful to the community than not, insofar as their topo covers a lot more crags than the federal one, which focusses exclusively on Saint-Léger du Ventoux.
rico
15000 balles pour un topo à 50 balles, c’est vraiment pas grand chose …. Surtout quand on commence par s’offrir 6000 balles de joujoux. Ça donne une idée des priorités de chacun ……