Chaque grimpeur qui se respecte est paré d’une brosse qu’il amène partout où il met les chaussons. De la brosse à dents classique avec poil en plastique à la brosse artisanale et design au manche de bois verni et en poil de sanglier, toutes les déclinaisons possibles existent. Mais que ce soit en bloc où seuls les vrais initiés semblent posséder des perches télescopiques pour nettoyer les prises en hauteur, ou en falaise où les brosses demeurent souvent davantage un ornement qu’un ustensile de nettoyage, le pratiquant n’a pas réellement pris l’habitude d’utiliser cet attribut malgré la massification constante de notre activité en milieu naturel…
La tendance semble cependant accentuée par l’interdiction progressive de la magnésie en poudre dans les salles privées de bloc, ce qui a pour conséquence que le nouveau pratiquant n’a pas l’habitude de l’utilisation de la magnésie en poudre en milieu naturel, d’autant qu’il consomme de la grimpe en indoor sans jamais trop brosser, et a tendance à reproduire sa pratique à l’extérieur. Jamais les fabricants de magnésie ou les gérants de salles privées ne se soucient d’un usage raisonné de la poudre blanche. Certains grimpeurs sont maintenant prêts à passer des semaines, des mois dans des projets en milieu naturel sans prendre le temps de nettoyer et bichonner les prises une seule fois, soit par flemme et/ou soit par non-considération du problème. Malheureusement, nous n’avons pas encore le produit miracle permettant de régénérer le rocher encrassé par notre pratique. Les prises taillées, les consolidations au sika ou tout simplement la patine rendent en plus certaines préhensions particulièrement glissantes en falaise… Prises-clé ne voyant jamais l’eau et complètement encroûtés de magnésie, multiples tickets réalisés grossièrement, jamais effacés et incrustés dans le rocher, patine des prises de pieds, gros plans sur de la magnésie après un clap de main dans les vidéos de grimpe, à vue se transformant en flash tellement l’évidence des préhensions est triviale à la lecture, peu de relai médiatique de la part des grimpeurs pro sur le sujet…
Le tableau semble assez noir, et tels sont les constats couramment effectués sur une utilisation de la magnésie qui ne va que devenir plus problématique dans le futur. La brosse est devenue un outil marketing et parait pourtant sous-utilisée par une majeure partie des pratiquants. Pendant ce temps, les voies classiques de nos sites les plus fréquentés connaissent actuellement un vieillissement accéléré, notamment sur calcaire… Rendez-vous à Céüse, St-Léger ou encore Fontainebleau pour la France, où certaines classiques perdent leur grain et deviennent de plus en plus aléatoires, à l’instar de la “Marie Rose” ou “L’Abattoir”, classiques bellifontains devenus redoutables à dompter et symboles de la non-collante en raison de l’état lustré de leurs prises… Faites aussi un run dans “Lapinerie”, célèbre 7b classique de la Demi-Lune et vous pourrez appréhender à quoi pourrait ressembler le futur de l’escalade outdoor. La consommation du rocher est un fait, mais il semble que peu de monde se soucie réellement de prendre soin du caillou…
Voici quelques recommandations que nous essayons d’appliquer pour nous-mêmes et soumettons pour essayer de préserver au maximum nos passages préférés, et ainsi tenter de faire évoluer les mentalités concernant l’usage de la magnésie :
1° Brossez les prises clé de votre itinéraire en redescendant après chaque passage ou entre vos essais en bloc. N’hésitez pas à souffler sur les bacs de repos particulièrement encrassés !
2° Dans la mesure du possible soufflez tant que possible sur vos doigts ou tapez-les sur vos cuisses après avoir mis la main au sac à pof avant de saisir les prises de main.
3° Nettoyez la gomme de vos chaussons à l’aide d’un paillasson, d’un chiffon ou d’un magnifique tapis Fanatic (voire les jambes de votre pantalon) avant chaque tentative en bloc ou en falaise.
4° Brossez l’intégralité de votre itinéraire après votre réussite en déséquipant avant de le quitter : magnésie en surplus, tickets, enlevez tout en pensant aux prochains ! N’oubliez pas les préhensions cachées type inversées qui sont souvent oubliées des brasseurs et par conséquent souvent plâtrées.
5° Cherchez à utiliser la magnésie avec parcimonie dans les endroits où vous plâtrez le plus.
Habituez-vous consciemment à mettre moins de magnésie dans les endroits où vous en utilisez le plus dans vos voies, que ce soit à un repos, ou une section avec des préhensions nécessitant davantage de sensations : vous verrez, sans magnésie, c’est souvent pareil, en fait c’est dans la tête !
6° Bloc : Paillassons et perches télescopiques, les incontournables de tout grimpeur respectueux du rocher. La haute-technicité de la discipline impose des pieds propres et des prises de pied le plus nickel possibles, nettoyez vos chaussons avant chaque essai. Brossez à la perche l’excès de magnésie sur les prises inaccessibles du sol pour une friction optimale. Concernant le bloc, avec le recul nous ne sommes pas fan des gros sacs à magnésie, bien que pratiques niveau utilisation, ils induisent souvent des habitudes d’utilisation excessive de la magnésie (plus y en a, plus on en met sur les paluches).
Plus d’infos dans notre guide
7° Nettoyez les prises qui ne résurgent jamais en les brossant avec de l’eau !
Vous êtes en fin de séance et la prise clé de votre projet en dévers est poisseuse car elle ne voit jamais l’eau ? Versez-lui la fin de votre gourde dessus en la brossant !
Votre projet bloc du jour est plâtré par des sagouins qui l’ont essayé auparavant ? Nettoyez-le à la chauffe et laissez le sécher avant de grimper dessus.
La prise clé de votre projet est encrassée? Nettoyez-la un jour off, vous verrez la différence ! Les vaporisateurs de lave-vitre sont particulièrement efficaces pour pulvériser de l’eau efficacement sur les préhensions. Mouillez, brossez, mouillez, brossez, rincez abondamment ! Possibilité d’utiliser du vinaigre blanc à très faible dilution (à eviter toutefois sur les calcaires fragiles et grès et conglomérats à matrice calcaire).
8° La pédagogie : Demandez gentiment aux tartineurs qui essaient les passages avec vous de se mettre aussi à brosser, tentez de les convaincre du bien-fondé de la démarche, prêtez-leur votre brosse s’ils n’en possèdent pas.
9° Zappez les sections les plus à sensation de vos projets si les conditions ne sont pas au rendez-vous, notamment s’il fait trop chaud. Le caillou ne bouge pas, il vaut mieux essayer les crux avec des conditions décentes plutôt que tarter les prises qui ne collent pas à la magnésie, certains allant même à les tapoter à la boule de magn’, ou à les badigeonner de magnésie liquide…
10° Ne séchez pas à la magnésie des prises humides ! Privilégiez un séchage naturel en vous armant de patience, ou si vous êtes impatients tentez d’y tamponner un t-shirt, une serviette ou du papier toilette. La magnésie appelle l’humidité et viendra ensuite obstruer et encrasser le fond de votre préhension à coup sûr.
11° Partagez des images de brossage dans les vidéos de grimpe que vous diffusez sur les réseaux de manière à inciter la communauté à vous imiter.
12° Locaux : organisez entre vous des journées de nettoyage des voies ou des blocs sur vos secteurs préférés très fréquentés, notamment en fin de saison.
13° Privilégiez les brosses en poil naturel au détriment du nylon. D’une part vous vous rendrez vite compte que le brossage n’en est que plus efficace. D’autre part il est possible que le bout des poils de nylon fonde avec la chaleur provoquée par les frottements du brossage, et se dépose ensuite dans les grains du rocher, augmentant la patine d’autant… Bien sûr, les brosses métalliques sont à réserver aux seules ouvertures et à utiliser avec une grande prudence !
Certes cet article un brin alarmiste et rabat-joie peut engendrer des soupes à la grimace, mais pour une préservation à long terme de l’escalade en milieu naturel il nous semble opportun d’informer et de sensibiliser dès maintenant le plus grand nombre…
Photo de couverture : Arthur Delicque
Every experienced climber owns a brush that hangs alongside their chalk bag. From the classic toothbrush with plastic bristles to the handcrafted, designer brush with a varnished wooden handle and boar bristles, every possible variation exists. But whether on boulders, where only the truly initiated seem to own telescopic poles for cleaning holds at height, or while rockclimbing, where brushes often remain more an ornament than a cleaning tool, the climber seems to not really have gotten into the habit of using this tool, even at a time of massification of our activity in the outdoors…
However, the trend seems to be accentuated by the gradual ban on powdered chalk in private bouldering gyms, which means that new climbers are not used to using powdered chalk outside, especially as they climb indoors without ever brushing up too much, and tend to reproduce their practice outdoors. Magnesia manufacturers and private climbing gyms are rarely concerned about the sensible use of white powder. Some climbers are now prepared to spend weeks or months on rock climbing projects without taking the time to clean their holds once, either out of laziness and/or lack of consideration for the problem. Unfortunately, we don’t yet have the miracle product to regenerate rocks soiled by our practice. Drilled holds and sika consolidations also make certain grips particularly slippery… Key holds that never see the water and are completely encrusted with chalk, multiple crude tick marks, never erased and encrusted in the rock, patina on footholds, close-ups on magnesia after a handclap in climbing videos, on-sight turning into flash as the holds are so trivial to read, as well as very few mentions of the problem by pro climbers…
The picture portrayed may look pretty dark, but these are the findings commonly made on the use of chalk that will become problematic in the future. The brush has become a marketing tool, but seems to be under-used by the majority of climbers. In the meantime, the classic routes at our most popular crags are currently experiencing accelerated ageing, particularly on limestone… Visit Céüse or St-Léger or Fontainebleau in France, where some classics are losing their friction and becoming increasingly random and polished, like the “Marie Rose” or “L’abbatoir”; Font classics that have become symbols of non-sticky climbing due to the altered state of the holds… Have a go at “Lapinerie”, a famous 7B classic of the Demi-Lune, and you’ll have a good idea of what the future of outdoor climbing might look like. The consumption of rock is a fact, but it seems that few people really pay attention to T&C of the rocks…
Here are a few recommendations that we try to apply for ourselves; in an attempt to preserve our favorite problems as much as possible and try to change people’s minds about the use of chalk:
1° Brush the key holds on your problem on the way down after each go or between your bouldering attempts, and don’t hesitate to blow on the particularly dirty resting holds!
2° Whenever possible, blow on your fingers or tap them on your thighs after putting your hand in the chalk bag before grabbing the holds.
3° Clean the rubber of your shoes with a doormat or an old rag (even your trousers’ legs) before each attempt at bouldering or rockclimbing.
4° Brush your entire problem after a successful attempt before leaving: removing any excess chalk, tick marks etc., with the next climber in mind!
5° Try to use magnesia sparingly in the places where you chalk up the most.
Consciously get used to putting less magnesia in the places where you use it most in your routes, whether at a rest, or a section with holds requiring more feel than friction: you’ll see, without magnesia, it’s often the same, in fact it’s in your head!
6° Bouldering: Doormats and telescopic poles, the must-haves for every rock-friendly climber. The high-technicity required in bouldering demands foot and hand holds that are as clean as possible, so clean your shoes before each attempt. Brush excess chalk off inaccessible holds with a pole for optimum friction. By experience, we’re not fans of big chalk bags, as although they’re practical, they often lead to excessive use of chalk (the more available there is, the more you put on your fingers).
7° Clean the holds that get never wet by brushing them with water!
You’re at the end of a session and the key hold of your overhanging project is not sticky because it never sees water? Pour the end of your bottle over it as you brush!
Has your bouldering project of the day been chalk-covered by some wise guys who tried it before you? Clean it during warm-up and let it dry before climbing.
Is your project’s key hold dirty? Clean it on an off-day, and you’ll see the difference! Glass washer sprays are particularly effective for spraying water effectively onto holds. Wet, brush, wet, brush, rinse thoroughly! White vinegar can be used in very low dilution.
8° Pedagogy: kindly ask the spreaders who are trying the same problems as you to start brushing too, try to convince them of the merits of the approach, and lend them your brush if they don’t have one.
9° Skip the most technical and friction-dependent sections of your projects if conditions aren’t right, especially if it’s too hot. The rock is not going anywhere, it’s better to try cruxes with decent conditions rather than cake holds that don’t stick with magnesia, some even tapping them with a chalk ball, or smearing them with liquid chalk…
10° Don’t chalk-dry wet holds! If you’re impatient, try dabbing on a T-shirt, towel or toilet paper. Chalk attracts moisture and will then clog the bottom of your hold for sure.
11° Share brushing images in your climbing videos to encourage the community to imitate you.
12° Locals: organise route or boulder clean-up days in your favorite popular areas, especially at the end of the season.
Admittedly, this article is a little alarmist and a bit of a killjoy, but for the long-term preservation of climbing outdoor, we think it’s a good idea to inform as many people as possible and to raise awareness. It’s now!
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