La semaine dernière, James Pearson réalisait la première répétition d’une voie de trad extrême ouverte en 2021 par Franco Cookson, l’as de la dalle : “Immortal”, cotée E11 7b par celui-ci. À égalité quasi égale donc avec “Rhapsody” (le premier E11 de l’histoire, mais 7a, ce qui suggère qu’au moins un mouvement de “Immortal” est plus dur que le move le plus dur de “Rhapsody”). Après un passage de reconnaissance l’année dernière, James a profité d’un événement sponsor en Angleterre pour tenter la croix.
Maiden’s Bluff, la falaise, est superbe, en surplomb de la mer du Nord dans le comté du North Yorkshire, et pour l’occasion la météo était arctique : ventée et glaciale, comme on le voit ci-dessous dans la photo de Neil Gresham.
Utilisant les mêmes prises que Cookson mais dans un ordre un peu différent, Pearson est allé vite en besogne. Dès lors, quid de la cotation ? Ainsi que les deux ascensionnistes l’ont expliqué, “Immortal” est délicate à coter du fait de ses particularités : courte avec de très mauvaises réglettes, sur un grès très sableux de bien piètre qualité, avec en guise de protection du crux deux crochets dont l’efficacité reste un gros point d’interrogation. D’après James, ses propres crochets auraient probablement résisté à une chute, par contre le caillou qui les soutient… C’est pourquoi il a approché la ligne plus comme un solo intégral qu’autre chose. Et c’est aussi pourquoi Pearson est bien en mal de proposer une cotation arrêtée.
Dans son texte d’annonce sur Instagram, il expliquait d’une part son ressenti : “Je l’ai réussie trop rapidement, et j’étais trop relâché pour penser à E11”. Mais de l’autre, James nous a confirmé dans un entretien que l’incertitude quant aux crochets joue un rôle crucial dans son refus de “chiffrer” la voie. En effet, la dangerosité d’une ligne de trad pèse lourdement dans sa cotation, et l’impossibilité de déterminer si la chute résulterait en petite frayeur ou hôpital, voire pire, rend l’évaluation particulièrement épineuse.
Il est fréquent en trad de tester la solidité d’une protection soit en faisant tomber un lest, soit le grimpeur lui-même mais sécurisé par une seconde corde. Ceci dit dans certains cas, comme celui d'”Immortal”, Pearson nous a expliqué s’y refuser, car avec une roche fragile il est impossible de se fier au passage d’un test avec succès, étant donné que celui-ci l’a potentiellement abimée davantage encore. De sorte qu’on n’est toujours pas plus avancé après qu’avant.
À ceci s’ajoute peut-être l’histoire compliquée de Pearson avec les cotations. Il y a quelques semaines, il commettait un long texte tentant de justifier sa proposition de E12 pour “Le bon voyage” à Annot. On s’en souvient, sa première proposition de E12, pour “The Walk of Life” il y a 16 ans, avait jeté James dans la tourmente, à tous les niveaux.
Toujours est-il qu'”Immortal” constitue une belle croix de plus dans le CV bien garni du grimpeur, et nous n’avons pas résisté à l’envie de lui demander quels étaient ses chantiers pour une année 2024 entamée de la meilleure des façons. Un 8C de Brione, déjà essayé sur quelques jours, pour ce qui est du safe. En trad, James ne semble pas en avoir fini avec Annot, et doit y travailler davantage un projet pour déterminer si le jeu en vaut la chandelle : un chouïa moins dur que “Le bon voyage”, mais à l’engagement autrement plus conséquent. “Well, we can’t wait, but do stay immortal“.
Last week, James Pearson completed the first repetition of an extreme trad route opened in 2021 by Franco Cookson, the ace of slabs: “Immortal”, rated E11 7b. Almost equal therefore with “Rhapsody” (the first E11 in history, but 7a, which suggests that at least one move of “Immortal” is harder than the hardest on “Rhapsody”). After a reccie last year, James Pearson took advantage of a sponsor event in England to go for broke.
Maiden’s Bluff, the cliff, is superb, overlooking the North Sea in North Yorkshire, and for the occasion the weather was arctic: windy and freezing, as seen below in Neil Gresham‘s picture.
Using the same holds as Cookson but in a slightly different order, Pearson reached the anchor fairly quickly. So, what about the grade? As the two climbers explained, “Immortal” is difficult to assign a grade to due to its idiosyncracies: short with very poor crimps, on very sandy sandstone of very poor quality, with two skyhooks as protection for the crux, whose effectiveness remains a big question mark. According to James, his own skyhooks would probably have withstood a fall, but the rock supporting them… That’s why he approached the line more as a free solo than anything else. And that is also why Pearson is at a loss to propose a clear grade.
In his announcement on Instagram, he explained his feelings: ‘I climbed it too quickly, and felt too chilled for it to be E11’. But on the other hand, James confirmed to us in an interview that uncertainty about the skyhooks plays a crucial role in his refusal to ‘e’ the route. Indeed, the dangerousness of a trad line weighs heavily in its rating, and the impossibility of determining whether the fall would result in a minor scare or hospital, or even worse, makes the evaluation particularly difficult.
It is common in trad to test the solidity of a protection either by dropping a ballast, or the climber himself but secured by a second rope. That said, in certain cases, like that of “Immortal”, Pearson explained to us that he refuses to do so, because with a fragile rock it is impossible to trust the result of a test, even if passed successfully, given that the test fall has potentially damaged it even further.
Added to this is perhaps Pearson’s complicated history with grading. A few weeks ago, he wrote a long and enlightening text trying to justify his proposal of E12 for “Le bon voyage” in Annot. Remember that his first proposal of E12, for “The Walk of Life” 16 years ago, had thrown James into turmoil, on all levels.
Still, “Immortal” constitutes another fabulous tick in the climber’s well-stocked CV, and we couldn’t resist the urge to ask him what his projects are for the year of 2024, which is off to a very good start. An 8C in Brione, already worked over a few days, if we’re talking safe climbing. As for trad, James does not seem to be finished with Annot, and must go back on a project to determine if the game is worth the effort: a tad less difficult than “Le bon voyage”, but with much more substantial commitment. Well, we can’t wait, but do stay immortal.