Depuis la disparition de Daniel Taupin en 2003, nous pouvons considérer que nos falaises, notre patrimoine minéral est à l’abandon. Interdictions, vieillissement de l’équipement, voire dés équipements, problèmes d’accès,… La liste est longue. Le COSIROC (Comité de Défense des Sites et Rochers d’Escalade) dont Daniel était le président limite maintenant ses actions à l’IIe de France. La commission gestion des Sites naturels de la FFME est très discrète avec un budget limité, renvoyant à une gestion des sites déconcentrée plus ou moins organisée en autonomie par les comités départementaux. Mais en ce début de printemps, une bonne nouvelle se propage au pied des falaises françaises : Greenspits vient de naître. Cette association créée par la forte falaisiste réunionnaise Carole Palmier et Antonin Rhodes, équipeur et grimpeur très actif du Sud de la France va œuvrer pour la préservation de nos sites naturels d’escalade. Développement de nouvelles falaises, rééquipement d’anciens secteurs à l’équipement vieillissant voire dangereux, entretien et nettoyage, organisation d’actions diverses, mais aussi échanges, partage et recueil d’expériences, diffusion de topos sur de nouveaux secteurs, ainsi que de la culture grimpe et des bonnes pratiques… Voilà ce que proposera Greenspits . Heureux de l‘humanisme qui entoure cette initiative, Fanatic Climbing, partenaire de l’association, a décidé d’aller à la rencontre de Carole, présidente de Greenspits . Les photos qui illustrent sont signées Isabelle Bihr et Benoit Foujols .
ENGLISH INTRO ONLY
Greenspits : act together for the preservation of our climbing spots !
Since the death of Daniel Taupin in 2003, we can consider that our cliffs, our rock patrimony, have been left untended. Bans, aging equipment, access issues, there is a long list of problems. The COSIROC ( A defense committee for the preservation of climbing sectors and cliffs) directed by Daniel Taupin now limits its activity base to the Greater Paris Area. The committee of the French climbing federation responsible for climbing site management is barely active with a very limited budget and has a decentralized approach leaving each county organization to manage their local sites. Thisbeginning of spring, however, a new initiative was born with Greenspits. This not-for-profit organization created by French Carole Palmier from Reunion island and Antonin Rhodes, a very active climber and equipper in the south of France, has at the heart of its mission the preservation of our climbing sites. Greenspits will be involved in the development of new crags, reequipping of aging and dangerous sectors, clean ups and other maintenance activities, but it will also offer a platform for the sharing and collaborating of good practices and information within the climbing community. We are very enthusiastic about this initiative and proud to be partner with Greenspits so we have decided to meet Carol who heads this organization. Illustration pics by Isabelle Bihr and Benoit Foujols.
Equipement et rééquipement à Seynes, février 2016
– Fanatic : Peux-tu présenter ton association et votre initiative ?
– Carole : Tout d’abord, merci à Fanatic Climbing pour l’intérêt porté à notre projet, car la communication via un réseau de grimpeurs « fanatiques » grandissant est un tremplin pour l’association.
Greenspits est une association loi 1901 créée en juillet 2015 qui a pour but de développer et préserver les sites naturels d’escalade en fédérant les grimpeurs autour de cette cause.
Notre initiative passe par le développement de nouvelles falaises de tous niveaux, ce qui permet à notre sport d’évoluer dans le temps, mais surtout par le rééquipement et la préservation des secteurs existants. Il est fondamental pour nous d’agir dans le respect de l’environnement, afin de donner une réelle légitimité à l’escalade sur la scène des sports de pleine nature. Nous voulons regrouper les grimpeurs, les informer, les sensibiliser aux problématiques liées au milieu naturel et à l’équipement des falaises et créer ainsi une communauté investie qui a du poids. Nous souhaitons avant tout partager la passion de l’escalade qui nous anime, en mêlant en effet culture grimpe, transmissions entre les générations, échange d’informations et notamment de topos, et par cela générer un intérêt pour ce que l’on peut appeler notre « patrimoine grimpe ».
Antonin Rhodes, équipeur émérite
– Fanatic : Comment vous est venue l’idée de créer Greenspits ?
– Carole : Cela fait longtemps que j’ai été sensibilisée aux problématiques de notre sport en pleine nature, notamment grâce aux rencontres avec des équipeurs et grimpeurs passionnés et actifs sur le terrain, bien trop souvent dans l’ombre.
C’est par l’intermédiaire de ma rencontre avec Antonin Rhodes qu’est né le projet Greenspits. C’est une idée qu’il avait depuis longtemps, mais qu’il défendait seul, en s’investissant énormément pour la communauté des grimpeurs, sans rien attendre en retour.
C’est clairement lui qui a eu l’idée de monter une association, qui a trouvé le nom, qui s’est lancé dans les démarches administratives, et j’ai dit banco !
La Ramirole, secteur majeur du Verdon
– Fanatic : Comment juges-tu la situation des sites naturels en France en 2016 ?
– Carole : La France regorge de secteurs plus beaux les uns que les autres, équipés clés en main, sans avoir besoin de payer une adhésion à l’année à 500€ comme en salle. Il est cependant réducteur de « consommer » ces secteurs sans se remettre en question sur les nombreuses problématiques qui y sont associées. L’escalade est un sport jeune, mais les équipements en place ont une durée de vie limitée. En France en 2016, la situation des sites naturels est très variable, mais pas extraordinaire dans l’ensemble… Que ce soit pour l’entretien des équipements en place, ou pour la gestion des pratiquants et de l’impact sur l’environnement. Je regrette que les ventes de topos ne servent pas plus aux falaises. Il y a des régions comme le 84 où cela fonctionne bien car l’argent du topo revient au rééquipement ; mais dans d’autres régions les topos servent à une petite communauté voire une personne, qui n’est pas du tout investie dans la gestion des secteurs et la prévention des risques. Il suffit d’aller grimper dans certaines falaises très connues où le topo se vend très bien, et de constater l’état des points, relais, pieds de voies… On peut alors se demander où va l’argent.
Un point bien fatigué à St-Léger du Ventoux
– Fanatic : Quels leviers aimeriez-vous activer pour aider à la préservation et la gestion des sites naturels ?
– Carole : Chacun doit se sentir concerné par la préservation et la gestion des sites. Il est évident que sans une prise de conscience des grimpeurs rien ne sera possible. Nous aimerions donc sensibiliser, informer et parfois éduquer aux bonnes pratiques en falaise.
– Fanatic : Qu’attendez-vous des pratiquants ? Des marques ? Des pouvoirs publics ? De la fédération ?
– Carole : Nous attendons une prise de conscience de la part des pratiquants. Une adhésion à 20€ ne représente pas grand chose sur notre « budget grimpe » de l’année (environ 2 séances en salle…), et correspond à peine au rééquipement d’une voie (certaines voies équipées à la Ramirole ont un budget qui dépasse parfois les 150€). En adhérant à l’association les pratiquants nous permettent donc d’acheter des points et du matériel pour rééquiper et entretenir nos secteurs, reconnaissent notre initiative de diffusion gratuite de topos réalisés avec les équipeurs, et participent à la création d’un groupe actif de grimpeurs investis dans leur pratique.
Les marques ont également un rôle à jouer car sans nouvelles voies extrêmes, pas de matière pour les grimpeurs forts et leurs sponsors. Rappelons qu’Adam Ondra a décrit récemment dans les medias le site de Mollans, équipé bénévolement, comme une « falaise du futur », n°2 de ses préférences après Flatanger.
Les pouvoirs publics doivent prendre conscience que l’escalade et une activité en développement, qui peut drainer un réel tourisme sportif, si les grimpeurs sont accueillis et respectés au lieu d’être stigmatisés. Avec Greenspits nous souhaitons créer des partenariats avec les mairies et régions pour protéger nos falaises, leurs accès, et mettre en place si possible des infrastructures pour les grimpeurs, pouvant aussi servir aux randonneurs, comme des toilettes sèches, poubelles, points d’eau, ainsi que gérer les zones de parking dans le respect des riverains.
Nous souhaitons travailler en collaboration avec la fédération pour toutes les problématiques soulevées, notamment celles environnementales, afin de trouver un terrain d’entente avec la LPO et L’ONF pour les falaises sensibles.
Carole à la carrière de Maupas
– Fanatic : Quel est le message principal à faire passer ?
– Carole : Sans la force rien n’est possible … euh je voulais dire regroupons nous pour mettre nos forces en commun et défendre notre sport ! Il est important d’agir maintenant.
– Fanatic : Quels sont les actions et projets prévus par l‘association à court, moyen et long terme ?
– Carole : Les actions à court terme sont celles que nous menons actuellement directement au pied des falaises (ramassage des détritus, revissage de points, changement des points les plus dangereux, purge si besoin, et communication sur l’association). Nous espérons sensibiliser suffisamment les grimpeurs pour que ces actions deviennent des « reflexes » pour chacun, et que la brosse à dent, le sac poubelle, la clé à molette soient présents dans tout sac de grimpe.
A moyen terme nous souhaitons nous investir dans le rééquipement de secteurs mal ou pas entretenus. Dans rééquipement je vois aussi le nettoyage des voies (brossage des prises, remise à neuf de certaines voies laissées à l’abandon), mais aussi l’entretien des sentiers et le ramassage des détritus pour ceux qui ne manient pas le perfo.
Nous avons réalisé un « pacte » Greenspits, qui reprend les points fondamentaux que nous défendons. Nous aimerions fédérer les grimpeurs autour de ce pacte, et mettre en place des campagnes d’information au sein des clubs. Nous sommes également en train de réfléchir à une « Charte du rééquipement » pour travailler dans le respect des voies existantes et des équipeurs.
J’insiste sur le fait que nous voulons nous investir autant dans les secteurs école que ceux plus élitistes.
A long terme nous aimerions travailler sur les autorisations pour les secteurs sensibles, ou interdits mais néanmoins fréquentés, selon le climat local bien sûr. Nous avons conscience que chercher à obtenir des autorisations mène parfois rapidement à l’interdiction. Nous n’en sommes pas encore au niveau de l’Access Fund aux US qui mobilise des donateurs pour racheter les falaises !
On compte également préparer un petit évènement en falaise, quelque chose d’original, pour se rencontrer et échanger nos points de vue, communiquer sur nos projets, grimper bien sûr, rêver de grimpe, et fêter ça. On invitera évidemment les plus grand DJs internationaux, afin de faire une étude d’impact avec la LPO, et de pouvoir organiser un « clean up day » géant le lendemain.
Malgré notre nom tendancieux nous n’avons pas prévu de mettre une banderole sur le chantier ITER… et puis il nous manque 3 millions d’adhérents.
Carole à l’équipement
– Fanatic : Que peut-on vous souhaiter pour le futur ?
– Carole : Greenspits est une association naissante. Pour l’instant nous sommes peu nombreux à porter le projet, qui comprend la communication (développement du site internet, des réseaux sociaux, réponses aux messages…), le versant administratif (Assemblées générales, gestion des membres…), la mise en place des actions pour le futur, etc… Nous comptons donc sur des âmes motivées pour rejoindre notre « équipe » de bénévoles. Chacun peut amener ses compétences, ses idées ou sa motivation !
Augmenter le nombre d’adhérents est également fondamental pour nous si on veut mener à bien nos projets et gagner en crédibilité. Cela concerne tous les grimpeurs qui veulent marquer une différence avec la simple « consommation » des falaises. J’espère que nous serons un maximum à représenter la communauté des falaisistes et bloqueurs ! Je « nous » souhaite à tous de bons moments en falaise, des croix mais surtout du partage !
Un point dans un état douteux à Seynes