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Laura et Kate
Amérique du Nord / North America Big Wall Performances

Laura Pineau et Kate Kelleghan complètent le Triple Crown au Yosemite – Laura Pineau and Kate Kelleghan complete Yosemite Triple Crown (+intw)

  • 12/06/2025

23 heures et 36 minutes ! C’est le temps réalisé par la grimpeuse locale Kate Kelleghan et Notre frenchie « Mademoiselle Fissure » Laura Pineau, devenant les premières grimpeuses à boucler le Triple Crown au Yosemite. Inventé par feu Dean Potter et Timmy O’Neill en 2001, le triple Crown consite à réaliser 3 ascensions de 3 sommets mythiques des lieux, le Mount Watkins par la face Sud, le Half Dome par « The Regular Northwest face », et El Cap par le Nose. Au total, 71 longueurs pour 2200 mètres d’escalade et environ 30 kilomètres de marche, et seulement une dizaine de cordées ayant bouclé le marathon en moins de 24 heures ! Nous sommes allés à la rencontre de Laura Pineau afin qu’elle nous détaille cette aventure à travers ce record de vitesse. Décryptage !

– Comment et pourquoi t’es-tu lancée dans cette aventure ? C’est plein de fissures ?
L’une des raisons (peut-être la principale) pour laquelle je me suis lancée dans cette aventure, c’est mon amour inconditionnel pour le Yosemite. Dès mes premiers pas dans la vallée, j’ai su que ce lieu allait marquer un tournant dans ma vie de grimpeuse. Le Yosemite, c’est un endroit où ton ego reste gentiment à l’entrée, pendant que toi, tu réapprends tout. Tu y deviens patiente, tu répètes, tu tombes, tu recommences. Encore. Et encore. Jusqu’à ce que les fissures polies par les glaciers te laissent enfin une petite place.
Très vite, j’ai remarqué que tous les grimpeurs du coin avaient un mot à la bouche : le « NIAD » – The Nose In A Day. J’ai alors découvert l’escalade de vitesse en fissures, et l’importance de la vitesse dans l’histoire de la vallée. C’est aussi à ce moment-là que j’ai entendu parler de l’épreuve ultime : le « Triple Crown » — gravir le Mont Watkins, El Capitan et Half Dome en moins de 24 heures. Neuf équipes masculines l’avaient réussi… Zéro équipe féminine.
Et puis, un jour d’avril 2024, en plein papotage entre amis, j’apprends que Kate Kelleghan du YOSAR (les secouristes du Yosemite) cherche un·e partenaire pour tenter l’aventure. Petit moment de panique intérieure suivi d’un éclair de folie : pourquoi pas moi ? Je lui ai écrit direct, en lui disant que je n’avais encore jamais fait d’escalade de vitesse, mais que j’allais tenter mon premier « NIAD » la semaine suivante. Si ça passait bien, je serais partante. Résultat ? 12h36. J’étais fatiguée, mais convaincue. C’était un grand OUI.

Laura - Photo Thibaut Marot
Photo : Thibaut Marot

– Peux-tu décrire cette triple ascension ? Les voies, les faces, l’ordre, le départ, l’arrivée ?
La version « classique » du Triple Crown commence par Watkins, enchaîne avec El Capitan, et finit (en beauté et en sueur) par le Half Dome.
Mais l’escalade, c’est pas que grimper… c’est aussi beaucoup marcher. On a commencé notre odyssée le 7 juin à 11h, avec 3h30 de rando jusqu’au pied du Mont Watkins. Puis 4h10 d’escalade, 1h de descente, et retour à la voiture.
Pendant l’heure de trajet jusqu’au Nose, c’était multitâche : ravitaillement, cryothérapie maison (les pieds dans la glacière), et Tetris version baudrier pour tout réorganiser avant la prochaine grimpe. À 22h40, on attaquait le Nose. 7h25 plus tard, sommet ! Il était 6h du mat’, et on avait déjà l’impression d’avoir vécu trois journées.
Pas de sieste ni de brunch au sommet — on a couru les 1000 mètres de descente jusqu’à la voiture, puis 20 minutes de route jusqu’au pied du Half Dome. Une montée express de 1000 mètres de dénivelé en 1h45 (merci les jambes robotiques) pour s’offrir un peu de marge. On a démarré la dernière voie à 9h40 et atteint le sommet à 15h36, en plein orage. Ambiance fin du monde, avec des éclairs suffisamment proches pour accélérer l’allure… et le rythme cardiaque.

– Comment se sont passés les essais ? Chronos ? Objectif sous les 24 heures ?
On est arrivées dans la vallée le 12 avril, et pendant six semaines, on a mangé, dormi et transpiré Big Wall. Objectif : gagner de la vitesse, et survivre. Grâce à notre montre Coros, on a pu traquer tous nos essais dans chaque voie et également savoir si nous étions en surentrainement ou non.
Voici notre progression :
The Nose : 12h53 → 8h49 → 7h39 → 7h05

Watkins : 9h03 → 5h57 → 5h15 → 4h47

Half Dome : 9h05 → 6h05

L’objectif était clair : enchaîner les trois en un seul push, sans dormir, et sous les 24 heures. Toutes les équipes précédentes l’avaient fait, donc on savait que la barre était haute. Pas de pause prévue, juste une machine pleine d’electrolytes qui avance coûte que coûte.

Laura - Photo Jacek Wejster
Photo : Jacek Wejster

– Quel est l’intérêt des records de vitesse en grande voie ?
Grimper El Capitan (1000 mètres de granite vertical) en quelques heures, c’est… addictif. Mais ce n’est pas une addiction sans risques. L’escalade rapide implique des choix tactiques, une prise de risque bien au-dessus de la moyenne, et une vigilance de tous les instants. Pendant la plupart du Triple, j’avais la mentalité d’une free soloist : interdiction de tomber. Chaque mouvement devait être maîtrisé. Pas de place pour les erreurs — sauf qu’on ne choisit pas toujours quand un pied glisse ou qu’un caillou décide de se faire la malle.
C’est pourquoi je ne pousse personne à se lancer là-dedans. C’est un jeu d’équilibre très mental, où tu passes 24h à 100% de concentration, sans filet. À l’arrivée, j’étais fière, bien sûr. Mais surtout soulagée d’avoir tenu bon jusqu’au bout.

– Tu te rends régulièrement au Yosemite. Pourquoi cet endroit est-il si spécial ? Et quels sont tes rêves pour la suite ?
Le Yosemite, c’est un peu le centre de l’univers pour les grimpeurs. Si tu arrives humble, prêt·e à apprendre, la vallée t’ouvre ses bras. Si tu débarques avec un ego taille XXL, tu risques de repartir un peu secoué·e : ici, les cotations sont old school, et la progression se gagne à la sueur du front (et parfois des genoux).
La vallée t’offre une énergie incroyable… mais elle peut aussi te vider. Il faut apprendre à gérer ses forces pour ne pas se cramer en deux semaines. Mais ce que j’aime par-dessus tout ici, c’est cette vérité locale :
“Nos héros deviennent nos amis, et nos amis deviennent nos héros.”
On est tous là pour vivre des aventures verticales ensemble, et ça crée des liens forts.
Et pour la suite ? J’ai encore des rêves plein les chaussons. J’ai hâte de voir ce que la prochaine saison me réserve. Stay tuned…

Photo de couverture : Thibaut Marot

The team Triple Crown
Photo : Jacek Wejster

23 hours and 36 minutes! That’s the time achieved by local climber Kate Kelleghan and our Frenchwoman “Mademoiselle Fissure” Laura Pineau, becoming the first female climbers to complete the Triple Crown in the Yosemite. Invented by the late Dean Potter and Timmy O’Neill in 2001, the Triple Crown consists of 3 ascents of 3 legendary Yosemite peaks: Mount Walkins via the South Face, Half Dome via “The Regular Nortwest Face”, and El Cap via the Nose. In all, 71 pitches for 2200 meters of climbing and around 30 kilometers of walking, which only a dozen roped parties have completed in less than 24 hours! We caught up with Laura Pineau to find out more about this record-breaking adventure. Read on!

– How and why did you embark on this adventure? Is it full of cracks?
One of the reasons (perhaps the main reason) I embarked on this adventure was my unconditional love for Yosemite. From the moment I set foot in the valley, I knew that this place would be a turning point in my climbing life. Yosemite is a place where your ego remains gently at the entrance, while you relearn everything. You become patient, you repeat, you fall, you start again. And again. And again. Until the glacier-polished cracks finally give you a little space.

It wasn’t long before I noticed that all the local climbers had one word on their lips: “NIAD” – The Nose In A Day. It was then that I discovered speed climbing in cracks, and the importance of speed in the valley’s history. It was also then that I heard about the ultimate event: the “Triple Crown” – climbing Mount Watkins, El Capitan and Half Dome in less than 24 hours. Nine men’s teams had done it… Zero women’s teams.

Then, one day in April 2024, while chatting with friends, I learned that Kate Kelleghan from YOSAR (Yosemite’s rescue team) was looking for a partner to attempt the adventure. A moment of inner panic followed by a flash of madness: why not me? I wrote to her straight away, telling her that I’d never done speed climbing before, but that I was going to attempt my first “NIAD” the following week. If it went well, I’d go for it. Result? 12:36. I was tired, but convinced. It was a big YES.

Kate - Photo Jacek Wejster
Photo : Jacek Wejster

– Can you describe this triple ascent? The routes, the faces, the order, the start, the finish?
The “classic” version of the Triple Crown starts with Watkins, moves on to El Capitan, and finishes (beautifully and sweatily) with Half Dome.

But climbing isn’t just climbing… it’s also a lot of walking. We began our odyssey on June 7 at 11am, with a 3h30 hike to the foot of Mount Watkins. Then 4h10 of climbing, 1h of descent, and back to the car.

During the hour’s drive to the Nose, we multitasked: refuelling, home-made cryotherapy (with our feet in the cooler), and the harness version of Tetris to reorganize everything before the next climb. At 10.40pm, we attacked the Nose. 7h25 later, summit! It was 6 a.m., and it already felt like three days.

No nap or brunch at the summit – we ran the 1000-metre descent to the car, then a 20-minute drive to the foot of Half Dome. An express ascent of 1,000 metres in 1 hour 45 minutes (thanks to the robotic legs) to give ourselves a bit of breathing space. We started the last route at 9.40am and reached the summit at 3.36pm, in the middle of a thunderstorm. End-of-the-world atmosphere, with lightning close enough to accelerate the pace… and the heart rate.

How was the process? Time trials? Main goal under 24 hours?
We arrived in the valley on April 12, and for six weeks we ate, slept and sweated Big Wall. Our aim was to gain speed and survive. Thanks to our Coros watch, we were able to track all our attempts on each route, and also whether or not we were over-training.

Here’s our progress:

The Nose: 12h53 → 8h49 → 7h39 → 7h05

Watkins : 9h03 → 5h57 → 5h15 → 4h47

Half Dome: 9h05 → 6h05

The objective was clear: to complete all three in a single push, without sleeping, and under 24 hours. All the previous teams had done it, so we knew the bar was high. No break planned, just a machine full of electrolytes moving forward whatever the cost.

Kate - Photo Jacek Wejster
Photo : Jacek Wejster

– What’s the point of speed records on multipitch routes?
Climbing El Capitan (1000 meters of vertical granite) in just a few hours is… addictive. But it’s not a risk-free addiction. Fast climbing involves tactical choices, above-average risk-taking and constant vigilance. For most of the Triple, I had the mentality of a free soloist: no falling. Every move had to be mastered. There was no room for error – except that you don’t always get to choose when a foot slips or a pebble decides to make a break for it.

That’s why I don’t push anyone to go for it. It’s a very mental balancing act, where you spend 24 hours at 100% concentration, without a net. When I finished, I was proud, of course. But above all, I was relieved to have held out to the end.

– You’re a regular visitor to Yosemite. What makes this place so special? And what are your dreams for the future?
Yosemite is like the center of the universe for climbers. If you arrive humble and ready to learn, the valley opens its arms to you. If you arrive with an XXL-sized ego, you’re likely to leave a little shaken: here, the climbs are old school, and progress is earned by the sweat of your brow (and sometimes your knees).

The valley gives you incredible energy… but it can also drain you. You have to learn to manage your energy so you don’t burn out in two weeks. But what I love most of all here is this local truth:

“Our heroes become our friends, and our friends become our heroes.”

We’re all here to experience vertical adventures together, and that creates strong bonds.

What’s next? I’m still dreaming. I can’t wait to see what the next season has in store for me. Stay tuned!

Laure et Kate - record
Photo : Jacek Wejster

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