Lucien Martinez, rédacteur en chef de Grimper Magazine, continue de marcher sur les traces de Seb Bouin. Après “Beyond” où il avait été le premier grimpeur à répéter une première ascension de Seb dans le 9e degré dans le Sud-Est (sur plus d’une dizaine), Lucien a récidivé récemment avec la première répétition du “Playboy rode sans complexe” 9a/+ dans le Luberon, en seulement 6 séances. Il revient là-dessus pour nous.
– Pourquoi être allé essayer cette voie ?
“Deux raisons m’ont motivé à essayer : premièrement, c’est une king line. La voie fait 55 mètres de développé, et plus tu montes, plus ça penche, ce qui donne un profil incroyable, sans parler des mouvements, qui sont fous, avec un grand jeté au milieu. La seconde, c’est de répéter une voie de Seb. Le problème, avec les voies de Seb, c’est qu’en plus d’être dures, elles sont longues, déversantes, écrasantes, ce qui fait que pour les répéter il faut une sorte de dévotion particulière. Chercher des méthodes dans un 7C bloc bizarre en plafond à 50m de haut, tout en se disant qu’il faudra l’enchaîner avec tout ce qu’il y a avant dans les bras, mentalement c’est dur à gérer, c’est tout une aventure. Il faut se mettre dans un état d’esprit d’opération commando. Je m’étais aussi bien entraîné en long avant de venir et donc je me sentais prêt pour affronter ça.
– A quoi ressemble la voie ?
Tu commences par un 7c de rési de 15 mètres qui est déjà un peu daubant. Tu poursuis avec encore 10-15m jusqu’à un relais en 8a. Juste avant le relais du 8a, tu fais un mouvement de traversée à droite, vers un gros repos. Je sais que pour les locaux le caractère éthique de l’utilisation de ce repos est discuté (je crois que Seb ne l’a pas pris pour la FA), moi je l’ai pris car je voulais mettre toutes les chances de mon côté pour enchaîner, pareil pour les coincements de genoux, j’ai utilisé tous ceux que j’ai pu trouver. Donc après ce repos, tu fais un petit mouv’ pas facile pour retrouver le relais du 8a, puis une sorte de pré-fatigue en 6C bloc et tu embrayes sur le premier crux, une sorte de 7C+ bloc ultra physique sur prises correctes dans du gros dévers. J’ai utilisé un genou de progression pour les deux premiers mouvements de ce crux (qui en fait 7) et un autre pour le 5e, je pense que sans ces genoux ça vaut plutôt 8A bloc. Passé ce crux, tu peux soit filer à droite vers le relais du 8c+ (Le Playboy) soit continuer tout droit dans le 2e crux : un grand jeté en 7B bloc. Le mouvement est fantastique, et pas évident à apprivoiser à 35m de haut. De là soit tu peux virer à gauche vers le crux final d’une voie libérée par Gérôme Pouvreau (Le Complexe du Playboy, 9a/+), qui est à peu près de la même difficulté mais moins dure dans la tête, soit tu continues encore tout droit pour te frapper d’abord une petite section de rési en intensité 8a/+ puis, après un bon repos, la casquette finale : un plafond de 10 mètres en 8b/+. C’est là que c’est dur dans la tête, parce qu’après avoir fait tout ça, le crux est de faire tenir un talon aléatoire pour mettre une grosse baffe sur la rampe. À a fin du crux, tu perds les pieds, c’est majeur, et tu te fais encore quelques blocages dans une intensité 8a mais à ne surtout pas sous-estimer.
– Comment ça s’est passé ?
Dès la première montée, j’étais déterminé, et j’ai décidé d’aller toucher toutes les prises jusqu’en haut pour voir ce qui m’attendait. J’avais la chance d’avoir les méthodes de Nico pour le premier crux, par contre le 3e là-haut dans la casquette s’est révélé plus problématique sans avoir les méthodes, d’autant qu’il était quasi in-essayable à cause du tirage. J’ai rallongé plein de dégaines et mon pote Romain m’a prêté sa corde, beaucoup plus fluide que la mienne, ce qui m’enlevait sans blaguer plusieurs kilos dans la section finale. Ensuite, pour bosser la voie, j’ai été stratégique. 3 montées par jour, avec toujours un objectif précis par montée et jamais deux jours de grimpe d’affilée pour préserver la peau et l’énergie en vue de la fin du trip. C’est aussi là où je me suis aperçu qu’avoir du volume n’est pas seulement utile pour enchaîner, c’est aussi primordial pour bien bosser la voie. Là, je pouvais faire trois grosses montées dans la journée sans m’écrouler et donc en étant productif pour caler les méthodes tout le long. Avec une moins grosse autonomie, le travail de la voie aurait pris beaucoup plus de temps.
– Qu’en retiens-tu ?
Ce que j’en retiens, c’est que je suis vraiment content d’avoir réussi à surmonter la flemme. Je me suis chauffé à faire un travail chirurgical pour réussir cette voie au trip (en 6 séances). Je me suis pris au sérieux et je me suis fait violence pour appliquer les stratégies de après-travail que j’ai appris au fil des années. Bon il faut dire qu’une voie de plus de 50m comme ça est très propice à faire de la stratégie ; dans une voie de 15 mouvements sans gestion où je manque de force, je peux faire toute la stratégie du monde, ce sera quand même compliqué ! J’en retiens aussi que les voies un peu longues avec un effort très haché sont peut-être mon vrai style de prédilection alors que j’en ai très peu fait jusqu’à présent, ce qui me motive pour l’avenir car c’est peut-être une piste pour réussir à faire du 9b.
– La suite pour toi ?
J’aimerais bien (le mot est faible, en vrai je brûle d’envie) d’aller poser des devis dans toutes les voies dures de la Ramirole et de m’en mettre une en projet. Et sinon, il faut que je fasse un plan de bataille pour “Fight or Flight” l’année prochaine. Et aussi, continuer les développements de voies extrêmes avec Fabrice à St-Antonin, il y a encore du potentiel.
Lucien Martinez, editor in chief of Grimper Magazine continues to follow in the footsteps of Seb Bouin. After “Beyond” where he was the first climber to repeat a first ascent from Seb in the 9th degree, Lucien recently striked again with the first repeat of “Playboy rode sans complexe” 9a/+ in Luberon, France, in 6 sessions. He is giving us details.
– Why did you try this route?
Two reasons motivated me to try: first, it’s a king line. The route is 55 meters long, and the higher you climb, the more it’s overhanging, which gives an incredible wall, and the moves are crazy, with a big dyno in the middle. The second reason is to repeat Seb’s route. The problem with Seb’s routes is, in addition to the difficulty, they are long, overhanging, demanding,…which means that to repeat them you need like a kind of special devotion. Searching for plans in a bizarre 7C boulder in the roof 50m high meaning you have to link it with the first part of the route before, mentally it’s hard to manage, it’s quite an adventure. You have to get into a state of mind of commando operation. I had also trained during a long time before coming and so I I felt ready to face.
– What’s the route look like?
You start with a 7c of resistance of 15 meters which is already pumpy. You continue with 10-15m until a anchor for an 8a. Just before the anchor of the 8a, you make a traverse move to the right, towards a big rest. I know that for the locals the ethical nature of the use of this rest is discussed (I think Seb did not take it for the FA), I took it because I wanted to put all the chances on my side to continue, the same for the kneebar positions, I used all those I could find. So after this rest, you make a small, not easy move to get the belay of 8a, then a kind of pre-fatigue in 6C boulder and you engage on the first crux, a kind of ultra-physical 7C+ boulder on correct holds in some big overhang. I used a progression kneebar for the first two movements of this crux (7 moves) and another for the 5th, I think without these knees it is more like 8A boulder. After this crux, you can either go to the right to the 8c+ anchor (“Le Playboy”) or continue straight ahead in the 2nd crux: a big dyno around 7B boulder. The move is fantastic, and not easy to stick it after 35 meters of climbing. From there either you can turn left towards the final crux of a route freed by Gérôme Pouvreau (“Le Complexe du Playboy”, 9a/+), which is about the same difficulty but less hard for the head, or you continue still straight with a small section of resistance in the 8a/+ range then, after a good rest, the final crux: a powerful roof of 10 meters in 8b/+. This is this point where it gets hard mentally, because after doing all that, the crux is to stay on a bad heelhook in order to do a big slap on a rail. At the end of the crux, you lose your feet, it’s so beautiful, and you still make yourself a few deadpoint demanding moves in an 8a intensity to the anchor.
– How was the process?
From the first go, I was focus, and I decided to climb to the top in order to touch all the holds and check the whole route. I was lucky to have Nico Pelorson’s betas for the first crux, on the other hand the 3rd crux in the roof turned out to be more problematic without having any betas, especially since it was almost unclimbable with the rope drag. I put a lot of long quickdraws and my friend Romain lent me his rope, much more fluid than mine, which help me to make progress in the final section. Then, to work the route, I was strategic. 3 climbs per day, always with a specific goal per climb and never two days of climbing in a row to preserve skin and energy for the end of the trip. This is also where I realized that having some volume is not only useful for sending, it is also essential to work well on the route. There, I could do three big goes in a day without being tired and therefore being productive to etablish my plans all long. With less autonomy, the process would have been longer.
– Which things will you remember from this route?
What I remember is that I am really happy to have managed to overcome the laziness. I warmed up to do a surgical work to succeed in this route on the trip (in 6 sessions). I took myself seriously and forced myself to apply the redpoint strategies I learned over the years. Well it must be said that a route of more than 50m like that is very clar to have a strategy; in a route of 15 movements without any tricks where I lack strength, I can do all the strategy in the world, it will still be complicated! I also remember that routes that are a little long with bouldery efforts are perhaps my real favorite style even though I climb few routes in that style, which motivates me for the future because it’s perhaps my way to succeed for climbing 9b.
– What’s next for you?
I would like (the word is weak, in truth I am burning with desire) to go and check all the hard routes of the Ramirole and to project one. And if not, I have to make a battle plan for “Fight or Flight” next year. And also, continuing the development of extreme routes with Fabrice in St-Antonin, there is still potential.
Prized Seb Bouin Line Sees First Repeat by This Quirky Climber » Explorersweb
[…] “The problem with Seb’s routes is, in addition to the difficulty, they are long, overhanging, demanding…which means that to repeat them you need like a kind of special devotion,” he told Fanatic Climbing. […]