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Nicolas Moineau dans son 8a
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Nicolas Moineau, non-voyant, arrive dans le 8ème degré! Nicolas Moineau, sightless, opens his 8th degree counter!

  • 17/10/2023

Ça y est, Nicolas Moineau l’a fait ! Depuis son enchainement d’un 7c+ en 2020, le falaisiste lotois aveugle ex-champion handi lorgnait la cotation suivante. C’est chose faite depuis hier avec la voie “Los Tacos de los dos rigolos”, 8a à Saint-Géry, sa falaise fétiche pour une ligne de pure résistance de 40 mètres de long. En tête bien entendu.

Moineau, né en 1977 et champion du monde handisport 2012, souffre d’une maladie génétique qui dégrade sa vue depuis son adolescence, à tel point que depuis des années il fait tout juste la différence entre le jour et la nuit. Retiré des compétitions depuis 2018, le grimpeur se dévoue dorénavant à la falaise, plus particulièrement chez lui, dans le Lot, où il gravit peu à peu les cotations avec un appétit qui contredit son patronyme.

Nous l’avons contacté pour en savoir plus sur cette incroyable perf.

Salut Nicolas, félicitations d’abord et avant tout ! Peux-tu nous dire quand tu as commencé à bosser “Los Tacos de los dos rigolos”?

J’ai commencé à découvrir la voie il y a 13 mois. Je retire un mois de Covid et de problèmes post Covid en octobre et novembre dernier, un mois de météo horrible en janvier et je pense avoir réglé l’affaire en 10/11 mois.

Tu sais combien de séances tu as mis dedans?

Je ne les compte même pas !

Comment as-tu travaillé ?

La phase de travail s’est faite en moulinette. J’avais installé une corde fixe avec l’aide de mon pote Baptiste. On m’accrochait de plus en plus haut au fur et à mesure de ma découverte de la ligne. Les 12 premiers mètres étant les plus exigeants, j’ai passé plusieurs mois dans cette première section. Mon premier objectif était d’enchainer jusqu’au premier bac où on peut délayer un peu.

J’ai commencé à grimper en tête en juin. On peut plutôt parler d’essais de calage. Optimiser les repos, rallonger certaines dégaines, trouver le rythme. Prendre à peu près toutes les chutes. Pour me sentir un peu comme à la maison au final.

En juillet-début août j’enchaînais les 2/3 de la voie pour atteindre un repos partiel que j’optimisais grâce à une genouillère cuisse droite. Et j’ai trouvé encore un repos à la toute fin lors des derniers runs. Ça permettait de me refaire un peu avant le crux du dernier point.

Ce n’est qu’en septembre que j’ai commencé à taper de vrais bons essais où je tombais vraiment haut et parfois dans le crux du début, qui reste vraiment dur. Et là j’ai commencé à y croire.

Il consiste en quoi ce début?

Le mouv’ dur de la première section, juste au-dessus du 4ème point, c’est une mise en place pour les albatros (il mesure 1,90m, ndlr) : replacer les pieds sur des micro-règles et lâcher la main droite pour un grand croisé un peu dynamique sur un bon bac. J’ai mis du temps à mettre ça en place, je me suis acharné sur une méthode aléatoire pendant des mois, ça m’a rendu dingue à l’époque.

Danse sur micro-réglettes

Et comment tu gères des micro-règles sans rien voir, c’est hallucinant !?

Les trucs spécifiques à ma cécité, ça a été des tickets dans la première section jusqu’au 4ème point justement. J’ai marqué trois micro-pieds à destination de l’assureur/guide. Je finissais par les trouver quasi sans aide mais ça me rassurait qu’on puisse me dire que je posais mon pied vraiment au bon endroit.

Pfiou ! Une fois tout ça bien calé, tu l’as sortie. Comment ça s’est passé ?

Oui. Hier, le 15 octobre, j’enchaîne mais après une semaine de Covid, encore une fois, à tousser comme un crevard toutes les nuits, avec un peu de fièvre et donc pas très en forme. Mais avec le retour de condis correctes pour la saison ! J’ai tapé tellement d’essais par 30 degrés que j’ai été dopé par les 22 degrés d’hier. Au final, j’ai commencé et fini avec le Covid.

Ah oui quand même ! Bon, te voilà maintenant dans le 8a, ce qui était ton désir. Tu as des vues sur un petit + dorénavant ?

Non. Pour la suite, je ne pense pas me remettre dans un énorme projet de trimard. J’ai quelques 7c en vue en Dordogne sur le calcaire sableux du Périgord. Je n’ai pas très envie de repasser un an dans une voie même si elle fait 40m.

Ce qui me rassure sur ma santé mentale c’est que des bloqueurs passent plusieurs mois à régler deux mouv’ dans des blocs extrêmes. On peut toujours trouver plus névrosé que soi finalement.

Photos d’Isabelle Jaumier et Maude Wery

This is it, Nicolas Moineau has done it! Since his send of a 7c+ last year, the blind climber had been eyeing the next grade, and since yesterday it now a reality with “Los Tacos de los dos rigolos”, 8a in Saint-Géry, a line of pure resistance of 40 meters. In lead of course.

Moineau, born in 1977 and 2012 world paraclimbing champion, suffers from a genetic disease which has been deteriorating his eyesight since his teenage years, to the point where for years now he has barely been able to tell the difference between day and night. Retired from competitions since 2018, the climber now devotes himself to the crags, more particularly at home, in the Lot, where little by little he goes up the grades with an appetite that contradicts his surname.

We got in touch with him to find out more about the process.

Hi Nicolas, congratulations first and foremost! Can you tell us when you started working on “Los Tacos de los dos rigolos”?

I started discovering the route 13 months ago. Take away a month of Covid and post-Covid problems last October and November, a month of horrible weather in January and I think I got the deal done in 10/11 months.

Any idea how many tries you put in?

I stopped counting.

How did you work it?

The work phase was done on top rope. I had installed a fixed rope with the help of my friend Baptiste. We moved the ‘anchor’ higher and higher as I discovered the line. The first 12 meters being the most demanding, I spent several months in this first section. My first objective was to get to the first jug where I could shake out a little.

I started lead tries in June. We can rather speak of calibration tests. Optimise rests, extend certain quickdraws, find the right rhythm. Take pretty much every single fall. To feel a little like home in the end.

In July-early August I completed 2/3 of the route and got to a partial rest, which I optimised thanks to a right leg kneepad. And I still found a rest at the very end during the last runs. It allowed me to recover a little before the crux under the last quickdraw.

It was only in September that I started to do some really good runs where I fell really high and sometimes in the crux at the beginning, which remains really hard. And then I started to believe in it.

What does this beginning consist of?

The hard movement of the first section, just above the 4th point, consists in setting-up for the albatross that I am (he’s 1.90m tall): place the feet on the micro-rails and let go of the right hand to do a large, somewhat dynamic cross to a good jug. It took me a while to put this together, I struggled with an insecure method for months, it drove me crazy at the time.

And how do you manage to nail micro-rails without seeing anything, it’s insane!

The things specific to my blindness here were tickmarks in the first section up to the 4th QD precisely. I marked three micro-feet for the belayer/guide. I ended up finding them almost without help but it reassured me that someone could tell me I was really putting my foot in the right place.

Phew! Then, once everything was in place, you reached the anchors. How did it happen?

Yes. Yesterday, October 15th, I send it but after a week of Covid, once again, coughing like a lump every night, with a little fever and therefore not in very good shape. But with the return of decent conditions for the season! I gave so many tries in 30 degree heat that I was doped by the 22 degrees yesterday. But in the end, I started and finished with Covid.

Really!?! Well, here you are now, an 8a climber, it was your wish to get there. Do you have plans for something with a little + from now on?

No. For the future, I don’t think I’ll get back into a huge project. I have some 7cs in sight in Dordogne, on the sandy limestone of Périgord. I don’t really want to spend another year on a route, even if it’s 40m long.

What reassures me about my mental health is that boulderers spend several months adjusting two movements on extreme lines. You can always find someone more neurotic than you in the end.

Pictures by Isabelle Jaumier and Maude Wery

1 Comment

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    Video: Los Taquos de los rigolos 8a - Nicolas Moineau

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