Nous scions progressivement la branche sur laquelle nous sommes assis. Tel est le constat que je cogite amèrement jour après jour comme de nombreux locaux de Fontainebleau. De plus en plus de grimpeurs viennent grimper et profiter de la forêt et de ses nombreux sites de bloc proposant une escalade unique, subtile, toute en finesse et sensations sur un grès doux d’une qualité inégalée. Mais malgré les appels à la sensibilisation ou les initiatives locales comme les journées de nettoyage, force est de constater que lorsque la fréquentation bat son plein, les problèmes émergent.
Un secteur de la forêt demeure en ce début d’année dans une situation préoccupante, le Coquibus. Ce plateau est une réserve biologique à proximité de Milly-la-Forêt, constituant le nord de la célèbre forêt des 3 Pignons. L’endroit a été développé ces 20 dernières années, avec des secteurs isolés et des blocs majeurs dénichés hors-circuits. La faune et la flore sont fragiles, et ces zones doivent faire l’objet d’une vigilance particulière en matière de bio-diversité bien que la présence humaine y demeure tolérée, comme celle des randonneurs, vététistes ou cavaliers. Le deal entre les autorités et les grimpeurs était alors simple à la fin des années 2000 : l’escalade y est tolérée mais à condition qu’il n’y ait pas de circuits, et que la fréquentation y demeure raisonnable et raisonnée, c’est-à-dire avec aucune mention dans les topos d’escalade, les informations devant se transmettre par le bouche-à-oreille entre grimpeurs initiés. Par ailleurs, l’escalade demeure encore plus sensible dans les deux parcelles de réserves biologiques dirigées (en jaune dans le plan ci-dessous), comme le sont aussi les réserves biologiques intégrales derrière Franchard comme le rocher de la Combe ou la mare aux Corneilles.
L’accord pour le Coquibus date des années 80 et les circuits qui étaient jadis balisés ont été abandonnés ou effacés en concertation avec le COSIROC. Idem, la pratique du bloc doit s’y faire de manière très discrète, la plus respectueuse possible de la nature et de l’environnement. À la fois contente de pouvoir bénéficier d’un nouveau terrain de jeu superbe et ombragé en période estivale, la communauté bellifontaine marchait sur des œufs.
Progressivement les éditeurs de topos et sites internet ont ignoré la recommandation de ne pas publier d’informations et désormais, une bonne partie des secteurs du Coquibus est détaillée dans de nouveaux ouvrages sur Fontainebleau, ou sur des sites internet. Petit à petit la fréquentation s’est nettement accentuée, et un passage commence à devenir source d’inquiétude : “The Big island”.
“The Big Island”, bloc mythique de Fontainebleau mis en lumière par la première ascension de la version raccourcie de Dave Graham en 2008, est un challenge ultime en compression pour de très forts grimpeurs, notamment depuis la libération du vrai départ debout par Vincent Pochon puis du départ assis “Soudain Seul” par Simon Lorenzi, assurément un des blocs les plus durs au monde. Le bloc combine bien des avantages : très déversant, proposant une escalade très athlétique et physique collant aux standards modernes, le passage est bien exposé, en haut d’une butte surplombant une superbe bruyère, sèche vite et est très souvent en conditions l’hiver où les périodes pluvieuses s’enchainent. De plus, la cotation initiale du bloc à 8C bloc semble gentille pour le niveau malgré de rares propositions de décotation, un atout de plus pour faire rêver. Tout une combo qui en fait un bloc très prisé, à la mode, et référence du haut niveau que tout fort bloqueur aspire à accrocher à son tableau de chasse.
Ces dernières années et ces derniers mois, de nombreuses photos et vidéos du bloc sont apparus sur les réseaux, accentuant la hype, les grimpeurs forts étant fiers de partager des images concernant des essais victorieux ou de séances de travail dans “The Big Island”. Le problème est que certains comportements irrespectueux et récurrents sur ce bloc posent problème, mettant en péril tout un écosystème, pouvant remettre en question la légitimité de l’escalade dans toute la zone à moyen terme. Grimpe de nuit, musique à fond dans des enceintes faisant fuir et stressant la faune et certaines espèces protégées, bruyères et mousses dégradées et érodées par le passage en dehors des chemins, traces de feux, le Coquibus et notamment la butte de Rumont souffrent du passage. La diffusion d’images de mauvaises conduites sur “The Big Island” sur les réseaux est assez régulière, les grimpeurs en question légitimant peu à peu une pratique peu respectueuse auprès de leur communauté, les incitant à faire de même. Petit à petit, l’anormal devient la normale… Nous, locaux, sommes tristes et désemparés par rapport à un phénomène qui nous dépasse. Tant que possible nous continuons pourtant notre transmission et notre sensibilisation concernant les bonnes pratiques en bloc et en milieu naturel.
“The Big Island” devient jour après jour un étendard de la surfréquentation, et l’arrangement initial entre grimpeurs et autorités pour une pratique raisonnée et respectueuse de l’environnement semble s’estomper de manière inversement proportionnelle à l’affluence. L’ONF a déjà annoncé qu’il allait faire le nécessaire pour interdire l’escalade en Réserve Biologique Dirigée comme c’est le cas pour les réserves intégrales. Le COSIROC a pris acte, sachant que seulement 3 circuits sont présents dans ces zones sur toute l’étendue de la forêt domaniale de Fontainebleau. Pour éviter que les pouvoirs publics revoient leur appréciation concernant l’autorisation de l’escalade dans ces zones sensibles situées à proximité, nous vous exhortons à adopter un comportement encore plus responsable dans ces endroits tout en vous y faisant le plus discret possible, dans le respect de la nature.
Pour une pratique raisonnée en forêt de Fontainebleau, on vous renvoie à nos recommandations dans notre guide, ou encore aux pages de la Tribune Libre de Bleau, de Respect Bleau ou du festival de Milly “Oh My Bloc”.
Texte : Pierre Délas – Photo de couverture : Stephan Denys
We’re gradually sawing off the branch we’re sitting on. This is the observation that I, like many Fontainebleau locals, bitterly ponder day after day. More and more climbers are coming to enjoy the forest and its many bouldering sites, offering unique, subtle, sensational climbing on soft sandstone of unrivalled quality. But despite appeals to raise awareness and local initiatives such as clean-up days, it’s clear that when the forest is in full swing, problems emerge.
One sector of the forest remains in a worrying state at the start of the year: the Coquibus. This plateau is a biological reserve near Milly La Forêt, forming the northern part of the famous 3 Pignons forest. The area has been developed over the last 20 years, with isolated areas and major off-circuit boulders unearthed. The flora and fauna are fragile, and these areas require particular vigilance in terms of bio-diversity, although human presence remains tolerated, as does that of hikers, mountain bikers and horse riders. At the end of the 2000s, the deal between the authorities and climbers was simple: climbing is tolerated, but only on condition that there are no circuits, and that visitor numbers remain reasonable and reasoned, i.e. with no mention in climbing guidebooks, information having to be passed on by word of mouth between initiated climbers. On the other hand, climbing is even more sensitive in the two designated biological reserves (shown in yellow on the map above), as it is in the integral biological reserves behind Franchard, such as the Rocher de la Combe and the mare aux Corneilles.
The Coquibus agreement dates back to the 80s, and the routes that were once marked out have been abandoned or removed in consultation with COSIROC. Similarly, bouldering has to be done in a very discreet way, as respectful as possible of nature and the environment. While the Font community was happy to benefit from a superb, shady new playground during the summer months, it was walking on eggshells.
Gradually, topos publishers and websites ignored the recommendation not to publish topos, and now much of the Coquibus area is detailed in new books on Fontainebleau, or on websites. Gradually, the number of visitors has risen sharply, and one passage is becoming a cause for concern: “The Big island”.
“The Big Island”, the legendary Fontainebleau boulder brought to light by Dave Graham’s first ascent in 2008, offers the ultimate compression challenge for very strong climbers, particularly since the first ascent of the true standing start by Vincent Pochon and then the sit start “Soudain Seul” by Simon Lorenzi, undoubtedly one of the hardest boulders in the world. The boulder combines a number of advantages: although it is overhanging, offering very athletic and physical climbing in line with modern standards, the passage is well exposed, at the top of a hill, dries quickly and is very often subject to conditions in winter, when rainy periods follow one another, bearing witness to climate change. What’s more, the boulder’s initial grade of 8C boulder still remains the same, quite soft despite rare downgradings suggestions. A whole combo that makes it a relatively popular and fashionable boulder, and a benchmark of high-level climbing that every strong boulderer aspires to add to his trophy ticklist.
In recent years and months, numerous photos and videos of the boulder have appeared on the network, heightening the hype, with strong climbers proudly sharing images of victorious attempts or work sessions on “The Big Island”. The problem is that certain disrespectful and recurrent behaviors on this boulder pose a problem, jeopardizing an entire ecosystem and potentially calling into question the legitimacy of climbing in the entire area in the medium term. Night climbing, loud music in loudspeakers scaring away and stressing wildlife and certain protected species, heather and moss degraded and eroded by passage off the paths, traces of fires – the Coquibus and in particular the Butte de Rumont suffer from passage. Images of bad behavior on “The Big Island” are regularly posted on social media, with the climbers in question gradually legitimizing their disrespectful practice with their community, encouraging them to do the same. Little by little, the abnormal becomes the normal… We locals are saddened and bewildered by a phenomenon that we can’t control. As long as we can, however, we continue to pass on and raise awareness of good practices on the boulder and outside.
Day by day, “The Big Island” is becoming a standard-bearer for over-visitation, and the initial agreement between climbers and the authorities to practise climbing in a reasoned and environmentally-friendly way seems to be fading in inverse proportion to the number of visitors. The ONF has already announced that it will take the necessary steps to ban climbing in the “Réserve Biologique Dirigée”, as is the case for the “Réserve Intégrale”. COSIROC has taken note, knowing that there are only 3 circuits in these zones in the whole of the Fontainebleau forest. To prevent the authorities from reconsidering their decision to authorize climbing in these sensitive areas, we urge you to behave even more responsibly in these areas, and to be as discreet as possible, with respect for nature.
For a reasoned approach in the Fontainebleau forest, we refer you to our recommendations in our guide, or to the pages of the Tribune Libre de Bleau but also Respect Bleau or the Milly “Oh My Bloc” festival.
Text: Pierre Délas – Cover photo: Stephan Denys
Bleau : diffusez les bonnes pratiques ! - Fanatic Climbing
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