L’été, c’est aussi la saison des grandes-voies, et 2024 ne déroge pas à la règle. Plein de grandes-voies difficiles ont été réalisées dernièrement, on fait le point !
*** Ouverture de “Ego land”, une des grande-voies parmi les plus dures des Dolomites.
On connaissait “Pan Aroma” ou “Bellavista” (8c), œuvres d’Alex Huber au début des années 2000, cela faisait longtemps qu’un nouveau challenge extrême n’avait pas été ouvert en libre dans les Dolomites ! Ces deux challenges historiques ont désormais une petite sœur, nommée “Ego Land”. Née à la Marmolada, elle vient d’être réalisée en libre par Bernardo Rivadossi et Luca Bana qui suggèrent la cotation de 8c/+. La grande-voie de 410 mètres, très exigeante, offre des difficultés en 7c+ obligatoire pour 10 longueurs. Luca Bana commente.
“Tout a commencé à la mi-août quand mon ami Bernardo Rivadossi m’a invité à essayer cette toute nouvelle voie avec Max Faletti sur le remarquable pilier “Dorso dell’elefante”. Le 21 août, Berni et moi étions enfin sous l’imposant monolithe. Après avoir travaillé dur les premiers jours pour équiper deux longueurs (on voulait rendre la ligne originale et indépendante de la voisine “Ali Baba”), nettoyer et poser des cordes fixes, nous avons commencé à essayer un peu les premières sections de la voie. La fatigue commençait à se faire sentir et nous avons décidé de prendre 2 jours de repos avant une nouvelle tentative depuis le sol. Sur une voie aussi exigeante, la stratégie, ainsi que la ténacité deviennent cruciales pour réussir. Le 28 août le réveil a sonné tôt et nous avons quitté le refuge Falier avec un seul objectif en tête. A ce stade, l’envie de grimper l’emporte sur la moindre peur d’un éventuel échec : nous avons tout donné, réussissant toutes les longueurs sans chute, les unes après les autres. Un nouveau chef-d’œuvre de haut niveau était né, sans aucun doute la voie « alpine » la plus difficile des Dolomites et d’ailleurs. Un voyage dont on peut être fier !”
*** Kathy Choong s’offre “Zahir” 8b+, 300 mètres dans la journée !
Une des spécialistes Suisse de la discipline vient de réaliser une belle croix aux Wendenstöcke, avec la première féminine de “Zahir” ! Une ascension 0% carbone, réalisée en compagnie d’Eline Le Menestrel, en se rendant au spot en vélo, et après 2 semaines sur place.
“Heureuse d’avoir réalisé en tête toutes les longueurs de cette voie mythique au style Wendenstöcke Ecopoint, en ne voyageant que par des moyens sans émission de CO2 !
Quelle journée ! Le 2 septembre, nous nous sommes réveillées à 3h50 et avons commencé à grimper vers 6h15. Je me suis sentie fraîche dans les 2 premières longueurs (6c, 8a). Puis lors de mes 2 premiers essais dans la 3ème longueur (8b+), j’ai chuté dans le crux. Le soleil frappait déjà le mur mais je savais que c’était peut-être ma dernière chance car notre voyage touchait à sa fin et la météo semblait instable pour les jours à venir, la pression était de mon côté. A ma 3ème tentative, j’ai tout donné, j’ai passé la section dure, je me suis battue super fort, j’ai grimpé le 2ème crux… et je suis tombée au tout dernier mouvement juste en dessous du relais…
J’étais tellement déçue de tomber si près du sommet et avec un steak au doigt, la situation semblait désespérée et très dramatique. Mais d’une manière ou d’une autre, quelque chose s’est enclenché dans mon esprit et j’ai su que je pouvais le faire, quelles que soient les circonstances ! Je me suis reposée et à 12h30, j’ai fait un dernier essai. Le bout de mon doigt saignait (ce n’est pas l’idéal sur ces minuscules arquées), je grimpais en plein soleil mais je me sentais confiante. Eline m’encourageait tellement, j’ai senti son énergie venir à moi, j’ai lutté très fort sur chaque mouvement, j’ai failli tomber à nouveau dans le même dernier mouve mais j’ai finalement attrapé la dernière prise et clippé la chaîne. Je n’arrivais pas à croire ce qui venait de se passer. Mais ce n’était pas fini, il me restait 5 longueurs (7c, 7a+, 7a+, 7b, 6c et pas la plus facile en termes d’engagement) avant le sommet sans beaucoup de peau et d’énergie. Heureusement j’ai pu enchainer les dernières longueurs et nous sommes arrivées au sommet à 18h ! A 21h50, nous étions de retour au parking, épuisées mais avec un grand sourire.
Eline a également beaucoup essayé la voie, elle était proche de faire le 8a et a fait des tentatives prometteuses dans le 8b+. Elle a été la meilleure partenaire que j’aurais pu souhaiter, rien n’aurait été possible sans elle !”
*** Babsi Zangerl et Jacopo Larcher répètent “The Gift”
Courant août, l’italien Jacopo Larcher et sa partenaire autrichienne Babsi Zangerl ont escaladé leur dernier projet « The Gift », dans le Rätikon suisse. La grande-voie de 350m est cotée 8c et se répartit en 7 longueurs (6a, 6b, 7b+, 6b+, 8c, 8a+, 7c+) mélangeant des protections traditionnelles sur les sections inférieures et des protections in situ sur les longueurs clef.
Il s’agit de la première répétition de la voie depuis sa libération par Alex Luger en 2015. Babsi a pris un jour de plus pour maîtriser le crux, toppant elle-même “The Gift” quelques jours plus tard pour réaliser la première ascension féminine de la voie.
Leurs ascensions respectives ont été réussies sans aucune chute, et la ligne leur aura réclamé six jours de travail. Ils y avaient déjà jeté un coup d’œil en 2021, mais n’avaient alors inspecté que la longueur-clef, sans faire d’efforts significatifs pour l’essayer.
*** Lara Neumeier gravit “Headless Children” (8b) :
Du côté du Rätikon autrichien cette fois, c’est l’allemande Lara Neumeier qui aura réussi une rare ascension de « Headless Children », voie de 230m en 9 longueurs avec des difficultés allant jusqu’à 8b. La septième longueur, plus difficile de la voie, comporte un célèbre réta bien retors considéré comme le crux de la ligne.
Lara et son amie Nadine Wallner, qui a également la voie dans sa ligne de mire, ont passé 4 jours ensemble à travailler les différentes longueurs, avant que Lara n’escalade la voie lors de sa première tentative du sol, le 5ème jour. Il s’agit de la troisième ascension féminine de “Headless Children”, après Nina Caprez et Babsi Zangerl.
On vous quitte avec quelques images de Solène Amoros, Eline Le Menestrel et Manon Bérend dans “Dame Cookie” au Verdon !
Photo de couverture : Julien Nadiras
“It all started after mid-August, when my friend Bernardo Rivadossi invited me to try the brand-new route opened by him and Max Faletti on the outstanding ‘Dorso dell’elefante’ pillar the week before.
On 21th August me and Berni were finally under the massive monolite. After the hard-working early days bolting two different pitches (to make original line more indipendent from the neighbour “Ali Babá”), cleaning and jumaring fixed ropes, we started to try out a bit the first single sections of the route.
In the meanwhile, things on the wall were not that easy since fatigue was beginning to set in, then we decided to take two days off before a proper attempt from the ground. On such a demanding route, strategy, as well as tenacity, becomes crucial to success. On 28th August the alarm clock went off early as usual and we left the Refugio Falier with one goal in our mind. At this point, the desire to climb overpowers even the slightest fear of possible “failure”: we just gave it all, managing to climb on lead without falls all the single pitches, one after the other. A new top-level masterpiece was born, for sure the hardest ‘alpine’ multipitch route in Dolomites and beyond. Well, a journey to be proud of!“
Then direction Switzerland for the first female repeat of “Zahir” 8b+ by Kathy Choong on the Wendenstöcke: an ecopoint ascent, Kathy reaching the crag by bike with her team mate Eline Le Menestrel. It tooks her 2 weeks before the send.
“What a day ! On September 2, we woke up at 3:50 am and started climbing around 6:15 am. I felt fresh in the 2 first pitches (6c, 8a). Then on my 2 first goes in the 3rd pitch (8b+), I fell in the crux section. The sun was already hitting the wall but I knew that it could be my last chance as our trip was coming to an end and the weather looked unstable for the next days, the pressure was on my side. On my 3rd attempt, I gave everything, passed the crux section, fought super hard, climbed the 2nd crux…and fell at the very last move just below the anchor.
I was so disappointed to fall so close to the top and with a fingersplit, the situation looked desperate and very dramatic. But somehow, something clicked in my mind and I knew I could do it, no matter the circumstances! I took a rest and at 12:30 pm I went for a very last go. My fingertip was bleeding (not ideal on those tiny little crimps), I was climbing in full sun but I felt confident. Eline was cheering so much, I felt her energy coming to me, I fought really hard on each move, almost fell again at the same last move but finally sticked the last hold and clipped the chains. I couldn’t believe what just happened. But it was not over, I still had 5 pitches (7c, 7a+, 7a+, 7b, 6c and not the easiest one in term of run-outs) before the top with no more skin nor energy. Fortunately I could send the last pitches and we made it to the top at 6 pm. At 9:50 pm, we were back at the parking lot, exhausted but with a big smile on our face.
Eline also tried really hard, she was close to send the 8a and made promising attempts in the 8b+. She was definitely the best supportive partner I could have wished for, nothing would have been possible without her!”
In August, Italian Jacopo Larcher and his Austrian partner Babsi Zangerl climbed their latest project, “The Gift”, in the Swiss Rätikon. The 350m GV is graded 8c and is divided into 7 pitches mixing trad protection on the lower sections and in situ protection on the key pitches.
This was the first repeat of the route since it was freed by Alex Luger in 2015. Babsi took another day to master the crux, topping “The Gift” herself a few days later to make the route’s first female ascent.
Their respective climbs were completed without a single fall, and the line took them six days to complete. They had already taken a look at it in 2021, but had then only inspected the key pitch, without making any significant effort to try it out.
In the Austrian Rätikon this time, German alpinist Lara Neumeier achieved a rare ascent of ‘Headless Children’, a 230m route in 9 pitches, with difficulties up to 8b. The seventh pitch, the most difficult of the route, includes a famous mantle considered to be the crux of the line.
Lara and her friend Nadine Wallner, who is also attempting the route, spent 4 days together working the different pitches before Lara climbed the route on her first attempt from the ground on the 5th day. This is the third female ascent of ‘Headless Children’, after Nina Caprez and Babsi Zangerl.
Cover pic: Ju Nadiras